Ouverture, par Roch-Olivier Maistre, de la deuxième journée d’études de l’Arcom

Publié le 16 novembre 2023

  • Intervention publique

Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs les députés,

Mesdames et messieurs les professeurs,

Mesdames et messieurs, chers collègues,

Je suis très heureux de vous accueillir ce matin à l’occasion de cette deuxième édition des journées d’études de l’Arcom, qui fait suite au succès rencontré l’an dernier par le lancement de cette initiative. C’est bien sûr un plaisir et, pour notre institution, un motif de fierté d’avoir désormais ritualisé ce rendez-vous académique, qui offre un éclairage nécessaire sur les transformations du paysage audiovisuel et numérique et permet de réfléchir collectivement aux défis à venir dans la sphère de la régulation.

En mon nom personnel et au nom du collège et des équipes de l’Autorité, je souhaite donc remercier chaleureusement les chercheurs et chercheuses qui participent à cette journée en présentant leurs travaux de recherche. Je sais que ces derniers viendront nourrir utilement les réflexions et décisions de l’Autorité et celles des régulateurs européens. Je remercie en particulier les chercheurs étrangers qui nous ont fait l’amitié de répondre favorablement à notre invitation.

Je salue aussi la présence de la représentation nationale ce matin, qui est un important soutien de la politique d’études de l’Arcom, et remercie nos partenaires et interlocuteurs du secteur public comme ceux du secteur audiovisuel et numérique, qui sont venus assister aux échanges de la journée. Je ne doute pas qu’ils y trouveront l’écho d’enjeux auxquels ils sont confrontés et, j’espère, des éléments d’analyse et de réponse pertinents pour les politiques publiques ou les stratégies qu’ils doivent déployer.

Le comité scientifique de l’Arcom est également représenté et je m’en réjouis, car il est bien sûr l’une des chevilles ouvrières de notre politique d’ouverture à la recherche et a sélectionné les travaux présentés aujourd’hui.

Françoise Benhamou, professeure d’économie à Sorbonne Paris Nord, mais aussi coprésidente du Cercle des Economistes, présidente du comité d’éthique de Radio France et membre du comité consultatif des programmes d’Arte, animera d’ailleurs les échanges de la matinée, avec un appui qu’elle a bien voulu nous renouveler après la première édition. Je l’en remercie chaleureusement.

Mes remerciements s’étendent enfin – et j’allais dire, en qualité de président d’institution, surtout ! – aux équipes de l’Arcom qui préparent cet évènement depuis des mois et en sont les premiers artisans. Je remercie tout particulièrement la direction des études, de l’économie et de la prospective, qui accueille un nouveau directeur depuis le début de l’année 2023, Bruno Schmutz, qui a pris à bras le corps nos priorités en matière d’études. Je tiens à souligner, dans ses équipes, l’implication remarquable de son adjoint Sébastien Lécou et de Théophile Megali dans la préparation et l’organisation de cette journée, mais aussi dans les liens quasi quotidiens que nous entretenons avec les chercheurs. C’est d’ailleurs Théophile qui modérera les échanges de cet après-midi et je le remercie de son engagement. Je n’oublie pas non plus l’action déterminée de notre direction de la communication.

 

1. Ce temps d’échange académique s’inscrit dans un cadre précis : celui de la consolidation de la politique d’études du régulateur depuis plusieurs années

Je salue d’ailleurs la professeure Nathalie Sonnac, qui a porté et incarné cette priorité pendant son mandat de membre du CSA, en apportant ses réflexes et son éthique de chercheuse à notre institution. Les études, ponctuelles ou récurrentes publiées par l’Arcom, parfois en partenariat avec d’autres instituts, contribuent à éclairer les transformations de l’environnement dans lequel nous intervenons.

Pour mener à bien nos missions, nous avons en effet besoin de données, d’analyses, de débats, de mises en perspective, dans une maison qui chérit la liberté d’expression et l’équilibre des points de vue.

C’est pourquoi l’articulation avec le monde académique et avec nos partenaires institutionnels est essentielle : j’ai parlé de notre comité scientifique, mais nous avons aussi mis en place un pôle numérique commun avec l’Arcep et signé récemment une convention avec le PEReN ; nous sommes par ailleurs en contact avancé avec la direction du numérique de l’Etat pour formaliser notre coopération.

L’action publique et la régulation ont besoin, peut-être plus que jamais, de tous les éclairages, de toutes les sources, pour remplir utilement leurs objectifs au service des citoyens. Elles ressortent donc nécessairement grandies du rapprochement avec le monde de la recherche. Nous connaissons tous cette terrible citation attribuée au président du tribunal révolutionnaire à Lavoisier, lors de sa condamnation : « La République n’a pas besoin de savant » : sans me prononcer sur la véracité historique de cette citation, je suis pour ma part convaincu que l’Arcom a besoin de savants.

Notre institution, c’est peu de le dire, intervient aujourd’hui dans un paysage de plus en plus complexe, qui subit des transformations profondes et accélérées, avec des interlocuteurs de plus en plus nombreux et variés. Ses missions impliquent bien souvent qu’elle plonge au cœur d’un débat public que les récents évènements ont eu tendance à polariser, dans un contexte de multiplication des fausses informations et des discours en haine, qui ont amené à renforcer l’arsenal législatif en la matière. Nos missions ont ainsi été étendues par 13 textes depuis 2018, de niveau national comme européen, ce qui souligne aussi la capacité de réaction du législateur pour prendre en compte la nouvelle réalité de notre champ d’action.

Enfin, plus récemment encore, l’émergence de nouvelles technologies, en particulier en matière d’intelligence artificielle générative, soulève dans notre secteur des inquiétudes nombreuses en matière de vérification de l’information ou encore de protection de la création.

L’ensemble de ces données créent pour le régulateur des questions inédites, qu’il doit prendre à bras le corps, dans un dialogue constant et nourri avec l’ensemble des autres parties prenantes. C’est dans cet esprit que nous avons lancé il y a quelques semaines une mission sur l’impact de l’IA sur la régulation audiovisuelle et numérique, que j’ai confiée à deux membres du collège, Benoît Loutrel et Antoine Boilley.

Sur tous ces sujets, dont l’impact dépasse souvent le cadre national mais qui ne peuvent faire abstraction des spécificités françaises, le regard de la recherche est essentiel. Bref, à défaut de remettre l’église au milieu du village, cette journée contribuera, je l’espère, à remettre pour quelques heures la science au centre de débats qui en ont bien besoin !

 

2. Cette journée d’études se déroule cette année dans une période charnière, pour notre institution comme pour la recherche, avec l’entrée en vigueur du règlement européen sur les services numériques (le DSA).

Je rappelle que ce texte poursuit deux grands objectifs : lutter contre les contenus et les pratiques manifestement illicites sur les plateformes en renforçant le contrôle de leurs actions et protéger les droits fondamentaux des utilisateurs. Pour atteindre ces objectifs, le règlement fixe des obligations de moyens et de transparence aux opérateurs de services numériques, avec un régime renforcé pour les très grandes plateformes.

La gouvernance est bâtie sur la coordination, avec la désignation dans chaque pays d’une autorité de coordination des services numériques et un rôle central joué par la Commission européenne. Le projet de loi pour sécuriser et réguler l’espace numérique, présenté par le ministre Jean-Noël Barrot, propose de désigner l’Arcom comme coordinateur pour la France, en lien avec la CNIL et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

La logique du RSN repose aussi sur l’association étroite des chercheurs à la régulation du numérique.

L’article 40 du règlement met en effet en place un mécanisme innovant pour ouvrir aux chercheurs l’accès aux données des très grands moteurs de recherches et plateformes en ligne. Nos difficultés à comprendre les nouvelles dynamiques informationnelles de nos sociétés découle en effet largement de l’asymétrie d’information avec les plateformes. Nous manquons encore de connaissances scientifiques sur les biais éventuels de leurs algorithmes, les effets de ces algorithmes sur nos dynamiques sociales ou encore sur la pertinence des réponses que les plateformes vont proposer aux risques systémiques qu’elles induisent ou amplifient. Le travail des chercheurs sera donc central.

Même si, comme je l’ai dit, nous n’avons pas attendu le RSN pour créer et entretenir des liens étroits avec le monde académique, ce texte va donc les renouveler en profondeur et leur donner une autre dimension.

Pour anticiper ce nouveau cadre, l’Arcom a d’ailleurs lancé en 2022 une consultation des chercheurs sur leur accès aux données des plateformes, dont nous avons rendus publics les résultats à l’occasion d’une conférence consacrée à ce sujet en juin dernier, que nous avions organisée en lien avec le Conseil national du numérique. Nous devons désormais collectivement, dans une démarche européenne assumée, assurer le succès dans la durée du cadre mis en place par le règlement.

3. J’en viens désormais au déroulé et au contenu de cet évènement, auquel nous avons souhaité donner cette année une ouverture internationale

Les travaux ont été sélectionnés après un appel à contributions lancé par l’Arcom, qui s’adressait à l’ensemble de la communauté scientifique, y compris aux doctorants ou post-doctorants. Nous avons reçu, cette année encore, beaucoup de candidatures très intéressantes et variées – je suis heureux de ne pas avoir eu moi-même à les départager.

Dans le même esprit que notre première journée d’études et à l’image de nos missions, l’évènement se veut pluridisciplinaire : des travaux d’économie, de droit, de communication ou encore de sociologie vont vous être présentés, certains en anglais, ce qui reflète l’internationalisation croissante de notre activité. Les universités et centres de recherche représentés aujourd’hui viennent de l’ensemble de la France, mais aussi comme je le disais de l’étranger, ce qui constitue une vraie richesse dans les regards qui nous seront partagés aujourd’hui.

La journée se déroule en quatre panels thématiques, tous d’une très grande actualité comme vous l’aurez remarqué. Les voici :

  1. Dès 9h15, la mise en œuvre du règlement européen sur les services numériques
  2. A 11h30, les nouveaux enjeux de modération et de régulation des contenus
  3. A 14h30, le rôle des médias dans la polarisation des opinions publiques
  4. A 16h30, les reconfigurations des médias vus sous l’angle des acteurs

En plus de ces panels très riches, la journée sera complétée par deux keynotes particulièrement intéressantes :

  • L’une à 11h00 de Yann Le Cun, directeur de la recherche sur l’intelligence artificielle chez Meta et professeur à l’université de New York
  • L’autre à 15h45 d’Elda Brogi, professeure à l’institut européen de Florence et coordinatrice scientifique du Center for Media Pluralism and Media Freedom

Je les remercie de nous avoir fait l’honneur de partager ce moment avec nous, avec des agendas particulièrement chargés. Je rappelle que l’ensemble de la journée sera retransmis en direct sur notre site et sera disponible en rediffusion – comme beaucoup d’acteurs audiovisuels, nous partageons nous aussi l’art du replay !

J’en ai terminé avec ce propos introductif et cède sans plus tarder la parole à Françoise Benhamou pour entamer le premier panel. Merci beaucoup pour votre écoute et votre présence, excellente journée d’échanges à toutes et tous.

JEA 2023 - Allocution d'ouverture de Roch-Olivier Maistre