Présentation du rapport d’activité 2021 à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale

Publié le 20 septembre 2022

  • Intervention publique

Seul le prononcé fait foi

Madame la présidente,

Mesdames et messieurs les députés,

Merci beaucoup pour votre accueil et votre invitation. Je suis très heureux de retrouver le chemin de l’Assemblée nationale et notamment celui de votre commission, avec laquelle nous avons beaucoup dialogué sous la précédente législature. Je reprends donc avec plaisir le rythme de nos échanges périodiques.

C’est aujourd’hui le président d’une nouvelle institution qui se présente devant vous. L’Arcom a en effet vu le jour au 1er janvier 2022 et constitue de fait la plus jeune des autorités publiques indépendantes. Cette audition m’offre donc l’occasion, au-delà du bilan 2021, de vous la présenter et d’évoquer les grands chantiers dans lesquels elle est engagée.

1- La création de l’Arcom a ouvert une nouvelle page de la régulation, qui fait écho aux transformations profondes du paysage audiovisuel et numérique : ce sera mon premier point

Ces transformations se traduisent par une triple révolution :

  • Une révolution technologique, avec de nouvelles modalités d’accès aux programmes audiovisuels. Désormais, 82% des foyers français équipés disposent d’un téléviseur connecté à Internet.
  • Une révolution comportementale, avec de nouveaux usages : le nombre d’écrans se multiplie (plus de cinq par foyers en France) et la consommation non-linéaire se développe fortement. 49% des foyers disposent d’un abonnement à un service de vidéo à la demande, soit une augmentation de 27 points en trois ans.

En parallèle, la durée d’écoute individuelle de la télévision poursuit sa baisse [3h39 en 2021 contre 3h50 en 2013], notamment chez les plus jeunes qui se tournent vers d’autres contenus vidéo. Enfin, près de 30% des Français utilisent désormais internet comme source principale d’information.

  • La troisième révolution est économique, avec l’installation dans le paysage de nouveaux acteurs internationaux dotés d’une puissance financière considérable et l’enclenchement de mouvements de concentration entre acteurs.

Dans ce contexte d’évolutions rapides et structurelles, il était naturel que la régulation s’adapte à ce nouveau paysage : c’est le sens de la création de l’Arcom. Pour vous dire un mot de notre organisation depuis le 1er janvier 2022, notre collège compte désormais 9 membres permanents nommés par 5 autorités différentes. C’est un collectif solide et soudé, disposant d’une expertise forte et diversifiée. L’organisation de nos services a également été revue, avec la mise en place d’une direction des plateformes en ligne en 2021 et d’une direction de la création en 2022. Nous conservons par ailleurs 16 antennes régionales, dont 4 en Outre-mer. Au total, l’Arcom accueille désormais 355 agents. Nous sommes aujourd’hui en train de finaliser le projet stratégique de l’institution pour les trois prochaines années, afin de fixer nos orientations prioritaires.

2- Depuis sa mise en place, l’institution est à pied d’œuvre pour déployer ses nouvelles compétences

Je pense d’abord à la lutte contre le piratage des contenus culturels et sportifs. Le manque à gagner qui résulte de ces pratiques illégales s’élevait l’an dernier à environ un milliard d’euros par an.

Notre action en la matière repose sur un nouveau cadre juridique très réactif, qui implique un dialogue étroit avec les ayants droit, le juge et les fournisseurs d’accès internet. Les nouvelles procédures tiennent par exemple compte de l’urgence inhérente aux retransmissions audiovisuelles en direct de manifestations sportives. Les ayants droit peuvent saisir le juge aux fins de blocage ou de déréférencement des services diffusant la compétition de manière illicite.

À l’issue de la décision du juge, l’Arcom peut demander aux fournisseurs d’accès internet d’étendre les mesures de blocage aux « sites miroirs » non identifiés à la date de l’ordonnance du juge. Cette procédure a fait ses preuves puisqu’elle a permis de bloquer plus de 700 sites depuis janvier et de diminuer de 50% le piratage sportif au cours du premier semestre.

La supervision des plateformes en ligne occupe également une place de plus en plus importante dans nos missions. Elle concerne d’abord la lutte contre la manipulation de l’information, fortement mise à profit pendant la période électorale. Nous publierons d’ailleurs sous peu notre troisième bilan d’application de la loi « anti-Infox » de 2018. Nos compétences en matière de lutte contre la haine en ligne ont également été complétées par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Surtout, la régulation des plateformes a pris une dimension résolument européenne avec l’élaboration des législations sur les services numériques (DSA) et sur les marchés numériques (DMA), auxquelles nous avons contribué dans le cadre du groupe des régulateurs audiovisuels européens, au sein duquel nous sommes très impliqués.

Nous suivons désormais avec beaucoup d’attention la mise en œuvre de ces textes, qui ouvrent une nouvelle ère de la régulation numérique. Pour préparer au mieux cette échéance très importante, l’autorité de coordination française (le Digital Services Coordinator selon le vocable du DSA) gagnerait à être désignée rapidement par le législateur. Compte tenu de son expérience en matière de régulation des plateformes en ligne et de son statut, nous considérons que l’Arcom remplit les conditions pour être désignée comme cette autorité.

Ce dossier majeur souligne l’importance que prend la dimension européenne et internationale de notre activité. Outre le DSA, nous avons en effet devant nous le projet de loi européen sur la liberté des médias mais aussi la présidence du réseau francophone des régulateurs des médias, le REFRAM, que nous allons assumer pour deux ans à partir d’octobre.

Au-delà des plateformes en ligne, le législateur nous a confié une mission particulière de protection des mineurs face aux contenus pornographiques.

Nous avons mis en demeure 7 sites contrevenants ; pour les 5 premiers, le président du tribunal judiciaire a enjoint aux parties, le 8 septembre, de recourir à une médiation. La balle est désormais dans le camp des sites, dont j’espère qu’ils proposeront dans ce cadre des solutions concrètes respectant les termes de la loi.

Nous déployons enfin une autre mission depuis l’entrée en vigueur du règlement terrorisme (dit « TCO ») : la supervision de la lutte contre les contenus terroristes et pédopornographiques en ligne. Une membre du collège de l’Arcom, magistrate judiciaire, prend en charge la mission précédemment dévolue à un membre de la CNIL de contrôle des demandes de blocage, retrait et déréférencement des sites d’apologie du terrorisme et de pédopornographie adressés par la plateforme Pharos, ce qui représentait plus de 130 000 contenus vérifiés en 2021 d’après le rapport de la CNIL.

Notre institution est donc en ordre de marche depuis sa création pour mettre en œuvre sans délai ses nouvelles compétences, avec des résultats rapides à la clef.

3- L’Arcom a également été très active sur son cœur de missions traditionnelles, avec des dossiers majeurs pour le paysage audiovisuel : ce sera le dernier volet de mon propos

2021 et 2022 ont d’abord été marquées par des échéances électorales de premier plan, avec les élections régionales, le troisième référendum en Nouvelle-Calédonie, le scrutin présidentiel et les élections législatives. Dans le cadre de notre mission de préservation du pluralisme politique à l’antenne, nous avons veillé de près au bon déroulement de ces rendez-vous démocratiques majeurs sur les chaines de télévision et de radio. Nous publierons sous peu notre bilan de cette période, qui comprendra pour la première fois un volet sur les plateformes en ligne. Sans dévoiler son contenu, nous pouvons indiquer que les médias audiovisuels ont pleinement joué leur rôle pour couvrir ces élections, mais que les règles applicables en matière de décompte des temps de parole et d’antenne offrent sans doute matière à réflexion et à amélioration, voire à simplification.

L’Arcom sera bien sûr force de proposition, mais il appartiendra aussi au Parlement de se saisir de ce sujet essentiel pour notre démocratie.

Dans une période à l’actualité nationale et internationale très dense, notre vigilance a aussi été constante pour veiller à la liberté d’expression, à la rigueur de l’information et à la maîtrise de l’antenne [en 2021 : 111 dossiers examinés par le collège, 15 interventions dont 1 mise en demeure, 3 mises en garde, 0 sanction]. Dans le contexte de la guerre ukrainienne, nous avons contribué à la bonne application des sanctions adoptées par le Conseil de l’Union européenne, à l’encontre notamment des chaines RT France et Rossiya 24, et mis en demeure Eutelsat, l’opérateur satellitaire européen, de cesser la diffusion de NTV Mir, chaine relayant activement la propagande russe.

Au-delà de ses missions liées au pluralisme et à la déontologie des programmes, l’Arcom a continué à accompagner la transformation des médias audiovisuels. Je commencerai par la radio, à laquelle les Français demeurent très attachés [en 2021, elle restait écoutée quotidiennement en moyenne 2 heures et 42 minutes et par près de trois quarts des Français]. Ce média a célébré en 2021 trois anniversaires : les cent ans de sa création, les 120 ans du statut associatif et les 40 ans de la libération des ondes. Cette dynamique nous a permis d’organiser, en lien avec les opérateurs et le ministère de la Culture, la première Fête de la radio, rééditée cette année avec le même succès.

Le déploiement de la radio numérique terrestre, le DAB+, a également connu des avancées importantes puisque dans les prochains mois, 50% de la population métropolitaine devrait être couverte par cette nouvelle norme de diffusion, qui permet de libérer la bande FM et d’augmenter le confort d’écoute. Elle justifie que les pouvoirs publics puissent accompagner les radios, notamment associatives, pour lesquelles la double diffusion FM/DAB+ constitue un coût important, mais aussi que les opérateurs déploient une communication adaptée pour faire connaître le DAB+ au grand public.

Toujours en radio, un dossier d’envergure est actuellement à l’instruction de nos services : l’évolution de la gouvernance et de la nature des activités radiophoniques du groupe Lagardère engagée à la suite de l’OPA de Vivendi.

La transformation du secteur concerne aussi bien sûr la télévision : je pense en particulier au projet maintenant abandonné de fusion entre TF1 et M6, qui a largement mobilisé les services et le collège de l’Autorité pendant plusieurs mois. Nous rendrons d’ailleurs public dès demain l’avis que nous avions transmis à l’Autorité de la concurrence sur ce projet en mai dernier.

L’Arcom va désormais poursuivre la procédure de renouvellement des autorisations respectives de TF1 et M6 qui arriveront à échéance en mai 2023. Une consultation publique est en cours et viendra nourrir une étude d’impact, qui sera publiée comme la loi nous le demande. Nous mènerons par ailleurs à bien le renouvellement en cours de l’autorisation de Canal+, que la chaine a sollicitée.

Aux côtés des acteurs privés, l’audiovisuel public est lui aussi engagé dans un processus de transformation pour s’adapter aux nouveaux usages numériques et faire valoir ses caractéristiques. Avec 30% de parts d’audience, un poids économique de 4,5 milliards d’euros et plus de 15 000 salariés, les sociétés nationales de programme jouent aujourd’hui un rôle structurant dans notre paysage audiovisuel. La diversité de leur offre, la qualité de leurs programmes d’information, leur soutien décisif à la création et au sport leur donnent un rôle essentiel en matière de cohésion sociale ; ces entreprises contribuent également à la construction d’un espace audiovisuel européen et au rayonnement de la France dans le monde. Pour remplir leurs différentes missions, elles ont besoin d’un financement adapté, prévisible et à même de préserver leur indépendance, que le régulateur est chargé par la loi de garantir. Nous avons suivi à cet égard avec grand intérêt la réforme du financement de l’audiovisuel public et espérons qu’elle ouvrira la voie à une réflexion plus globale sur la stratégie et le rôle attendu de ces sociétés, réflexion à laquelle nous apporterons notre contribution. 

De multiples autres chantiers nous ont également mobilisés ces derniers mois. Je voudrais en citer deux :

Le premier concerne nos compétences en faveur de la cohésion sociale, auxquelles j’accorde la plus grande importance et qui ont aussi été élargies l’an dernier par la loi « climat et résilience », laquelle prévoit la conclusion de chartes d’engagements des acteurs de la publicité, sous l’égide du régulateur. Cette mission conforte notre action pour réduire l’empreinte environnementale des acteurs audiovisuels et numériques.

Le deuxième dossier a trait au soutien à la création française, et notamment la modernisation de son financement. La révision des décrets « TNT » et « Cabsat » sur lesquels nous avons rendu des avis a notamment permis d’adapter les obligations d’investissement des chaînes de télévision dans la création audiovisuelle.

L’adaptation du financement concerne également les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) puisqu’en application de la directive européenne de 2018, nous avons procédé en fin d’année au conventionnement et à la notification des obligations des principaux services internationaux établis hors de notre territoire mais ciblant le public français, à savoir Netflix, Amazon Prime Video et Disney+. Parallèlement à l’évolution de la chronologie des médias, cette étape constitue une avancée majeure pour moderniser notre modèle de soutien à la création française et européenne, avec des obligations d’investissement sans aucun équivalent aujourd’hui au sein de l’Union européenne. Ces conventions ont été signées pour une durée limitée et les discussions se poursuivent entre certains opérateurs et les organisations professionnelles de la création. Nous continuons le conventionnement des SMAD français et étrangers.

Depuis sa création, l’Arcom a donc à la fois déployé ses missions nouvelles et poursuivi ses missions historiques. Si nous avons, ces dernières années, pu les conduire à effectifs et budget constants, l’élargissement de nos compétences nous conduit aujourd’hui à demander une augmentation de nos ressources et je profite de cette occasion pour solliciter votre appui dans le cadre du PLF 2023. Je vous remercie pour votre écoute et suis désormais à votre disposition pour répondre à vos questions.

Intervention de Roch-Olivier Maistre