- Mme Delphine Ernotte Cunci, le lundi 12 mai à 14h00.
- Mme Frédérique Dumas, le lundi 12 mai à 16h30.
- Mme Irène Grenet, le mardi 13 mai à 8h30.
- M. Jean-Philippe Lefèvre, le mardi 13 mai à 11h00.
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L’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, tel que modifié par la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, confie à l'Arcom la mission de nommer, pour cinq ans, le président ou la présidente de France Télévisions.
L'Arcom a examiné, mercredi 30 avril 2025, les dossiers de candidatures reçus.Parmi les candidatures déclarées recevables, quatre candidates et candidats seront auditionnés par le collège de l'Arcom lundi 12 et mardi 13 mai 2025 :
Projet stratégique de la candidate Mme Delphine Ernotte Cunci.
Audition de la candidate Mme Delphine Ernotte Cunci :
- Bonjour Madame, chers collègues, en application de la délibération du 11 mars 2025 relative aux modalités de nomination de la présidence de France Télévisions, au terme de la loi de 1986, les candidatures sont évaluées sur la base d'un projet stratégique, sur critères d'expériences et compétences, nous procédons ainsi à l'audition de Delphine Ernotte Cunci, en deux parties, à 14h, avec une première partie filmée, d'une heure, sur la présentation de votre projet stratégique, 30 minutes puis un premier échange avec le collège. Cet enregistrement sera rendu accessible sur le site de l'Arcom demain après-midi. Une seconde partie se déroulera à huis clos, d'une durée maximale d'une heure également. Je précise que le collège est composé de 8 membres, Antoine Boilley étant conduit à se déporter de cette procédure car il était salarié de France Télévisions il y a moins de trois ans. Il est 14h02, je vous laisse la parole pour 30 minutes maximum, et je me permettrai de vous faire un petit signe quand nous entrerons dans les cinq dernières minutes. C'est à vous.
- Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du collège, il y a dix ans, 70% des Français s'informaient d'abord par le journal télévisé. Aujourd'hui, ils sont 90% et c'est principalement via leur téléphone portable. Il y a dix ans, Netflix venait d'arriver en France. Twitter était une immense salle de presse, on pensait encore que Dailymotion pouvait rivaliser avec YouTube et Facebook était un réseau social pour jeunes. Il y a dix ans, je présentais ma première candidature à la présidence de France Télévisions, j'avais contribué au déploiement du mobile en France et la 4G, et j'étais convaincue que c'était ainsi la société entière qui serait bouleversée. L'Arcom s'appelait encore le CSA et le principal débat consistait à savoir comment différencier France 2 de France 3. On parlait de retard sur le numérique. France Télévisions vivait sous le feu roulant des critiques et son président d'alors n'en avait pas été épargné, de manière assez violente et injuste. Il y a dix ans, j'affirmais, alors sans vraiment convaincre, que Google et Netflix étaient nos concurrents, non plus TF1 et M6. Il y a cinq ans, en plein Covid, je venais présenter une nouvelle candidature en disant que France.tv devait devenir la première plateforme de streaming et agréger les offres du service public. Cela semblait une chimère, c'est aujourd'hui une réalité. Il y a dix ans, certains disaient qu'il n'y avait pas une crise de la télévision mais une crise du téléviseur. En somme, notre métier allait continuer tel quel sur des écrans mobiles. Avec l'arrivée des téléviseurs connectés, le téléviseur a su s'adapter, mais pas encore la télévision. La régulation a évolué, l'Union européenne a adopté le DSA, le DMA, le Media Freedom Act. En quelques années, France Télévisions a fait évoluer son offre numérique, a épousé son époque. C'est le fruit de l'engagement de tous les salariés, que je tiens à saluer devant vous, encore et toujours. Je ne cesse d'admirer leur engagement, leur créativité et sens du service public. Malgré les économies nécessaires, l'entreprise a su s'adapter. En me donnant le temps d'agir, vous n'avez confié la meilleure aide pour l'action: la continuité. Le management, c'est la gestion du temps. Courir face à l'actualité et garder la ténacité dans le marathon des réformes. Aujourd'hui, nous vivons une accélération folle dont les dix dernières années ont été les prémisses. D'ici 2030, l'intelligence artificielle générative viendra tout bouleverser. La façon de s'informer, de produire des contenus, et d'interagir avec les publics ne sera plus jamais comme avant. C'est à cette rupture que nous devons nous préparer. Et l'enjeu n'est pas seulement de rester dans la course mais bien de prendre un temps d'avance. Alors pourquoi cinq nouvelles années? Pourquoi venir solliciter devant vous ce mandat après une transformation engagée dont vous avez tiré un bilan précis et documenté? J'ai une conviction inébranlable: il est impératif de rester contemporain dans une époque chahutée. Quand le chaos n'est pas loin, le sens de la mesure est plus important encore. Il y a quelques jours à peine, le président des États-Unis rayait les médias publics d'un trait de plume. Il y a quelques mois, nous nous demandions comment sauver France Télévisions en cas de privatisation. Dans ces temps troublés, la télévision doit être un roc, un espoir, un espace de réconciliation, il faut saisir les changements de la société, guetter les signaux faibles, ne jamais se réfugier dans l'ordinaire. L'attente la plus forte, c'est l'horizontalité. Hier avec une offre limitée, la parole venait du haut vers le bas, de Paris vers les régions. Cette époque est révolue, les publics ont des choix quasi illimités, ils sont acteurs des médias, parfois médias eux-mêmes. Nous sommes passés d'une ère où un média unique s'adressait à la masse à un moment où c'est un échange permanent. Il faut faire pivoter France Télévisions. Notre réussite sur le numérique est indiscutable, depuis le début de cette année, encore au mois d'avril, avec 39 millions de visiteurs uniques mensuels, nous sommes devenus cette année la première plateforme de streaming en France. La moyenne d'âge des utilisateurs est de 47 ans, au barycentre des plateformes. Il nous faut maintenant franchir une nouvelle étape, notre plateforme est encore trop perçue comme extension de la télévision linéaire. On ne peut plus penser les contenus sans penser dès leur conception à une distribution adaptée à chacun. Je veux faire de France.tv le carrefour numérique incontournable de notre pays, d'ici 2030. Cette plateforme sera nécessairement hybride, en étant capable d'offrir aux passionnés du direct les événements du pays et en proposant la souplesse avec la plus large offre de contenus français et européens. Pensés d'abord pour un environnement numérique, les contenus seront mieux diffusés ainsi sur le linéaire, vitrine de la diversité de France Télévisions. Cette mutation est engagée mais il faut aller plus loin. C'est notre système de marque qu'il faut simplifier, comme l'a fait la BBC, une marque unique. C'est notre organisation qu'il faut repenser. L'éditorial qui sera rapproché du numérique. C'est notre budget qui doit être réalloué, nos investissements se concentreront sur la plateforme, nous financerons en priorité les contenus qui y seront les plus performants et pertinents. Ce tournant de l'horizontalité, nous devrons savoir le prendre avec exigence, ce n'est pas que tout se vaut, mais au contraire de saisir des évolutions du temps pour continuer à apporter au public les meilleurs programmes. C'est d'abord l'information qui est concernée. Parce que la manière de s'informer a été bouleversée, nous devons répondre à ces aspirations légitimes de nos publics. Il nous faut un nouveau contrat pour l'information, je veux laisser sa place à l'information en continu. Depuis sa création, il y a presque dix ans, France Info a parcouru un long chemin, nous avons privilégié la course à la pertinence, ce qui est un atout mais aussi une contrainte, car nous ne pouvons pas céder à la facilité de l'audience rapide. Nos résultats se font encore attendre. Il nous faut mieux converger avec nos partenaires de l'audiovisuel et mieux réussir l'intégration de la chaîne à la rédaction de France Télévisions. La chaîne d'information continue a été trop longtemps vécue comme un appendice, elle doit maintenant être le cœur de l'information de France Télévisions. La donne mondiale a changé. Il nous revient d'être le rempart contre la manipulation de l'information. Aucun intérêt particulier ne nous freine, notre seule boussole, c'est la véracité des faits. La décision que vous avez prise en début d'année nous donne une chance unique. Nous mènerons la bataille partout où elle se déroule. La dissémination de notre offre est indispensable. Nous avons une force de frappe avec l'INA, avec le sens de l'actu, avec une ligne éditoriale partagée, nous contribuerons à un espace public apaisé. Mon autre préoccupation est de redonner ses lettres de noblesse aux débats politiques. On dit que le débat est partout mais en réalité, il n'y a jamais eu aussi peu d'échanges entre politiques et citoyens. Dans un moment particulier de notre histoire démocratique, le service public a la responsabilité de proposer des émissions politiques plus régulières. D'ici 2030, nous aurons les élections municipales, régionales, législatives en 2029. Alors que s'accroît la fatigue démocratique, c'est à l'audiovisuel démocratique de renforcer le lien par des émissions régulières et adaptées. Ailleurs en Europe, les campagnes se passent désormais sur TikTok, ce qui nous donne pour défi de réinventer les formes d'émissions politiques. Nous pouvons mêler la parole des citoyens à l'expertise en les confrontant aux enjeux de société. La décision du Conseil d’État de février 2024 nous donne l'occasion de réaffirmer notre attachement au pluralisme. Le service public a un devoir renforcé d'impartialité. Nous ne sommes pas là pour représenter une opinion plutôt qu'une autre, mais pour permettre à tous de s'exprimer. Et nous devons permettre une rencontre des points de vue plutôt qu'une exacerbation des clivages. La démocratie est à ce prix. Enfin il nous faut nous ancrer résolument dans les territoires. Le rapprochement en France 3 et France Bleu est un impératif démocratique, pas économique. J'ai fait du déploiement de la proximité une priorité. Je crois que cette lutte contre la fracture territoriale est un devoir. Au moment où de nombreux services publics reculent, nous devons assurer partout une égalité et continuité territoriale, nous le faisons en Outre-Mer depuis des années, avec les stations qui ont réussi. Le même mouvement a été engagé plus récemment dans l'Hexagone, en nous associant avec Radio France. Cela passe par une priorité donnée au numérique, c'est pourquoi je m'engage à concentrer toute l'offre locale sur la plateforme Ici. On a les gens, les modes de production, nous pourrons mieux nous déployer et couvrir le territoire. Nous pouvons être encore plus robustes avec des alliances avec la PQR. Nous avons commencé à renforcer nos relations avec les producteurs régionaux, nous pouvons aller plus loin en améliorant l'exposition des productions locales, notamment les documentaires régionaux et ultramarins. Pour rester contemporains, nous devons aller vers une télévision augmentée, né dans un univers de rareté, l'audiovisuel public devait viser la différence. A l'ère de la profusion, il n'y a pas d'autres choix que l'excellence, dans un monde où tout est payant, le service public est celui du ceux qui n'en ont pas toujours. Face au nivellement par le bas, le défi de l'audiovisuel public est d'assurer la qualité pour tous. Nous viserons à l'excellence éditoriale en faisant le choix de la création. Le festival de Cannes qui s'ouvre demain incarne le rayonnement culturel français. J'ai tenu à renouer le partenariat avec France Télévisions car il me semblait important d'en faire un rendez-vous populaire rassemblant autour de la passion française pour le cinéma. J'ai la même ambition pour la fiction française qui a allie de plus en plus succès et rayonnement international. De Kaboul à Sandre, nous avons renouvelé et diversifié notre offre, nous devons persévéré. Cette envie de renouveau doit être porté en flux, nous avons démarré ce virage éditorial, mais il est encore difficile de faire émerger les écritures. Nous devons faire émerger les formats français qui demain s'exporteront dans le monde entier. L'exception culturelle est parfois une réclamation, alors que ça fait de notre industrie l'une des plus créatives au monde. J'assume de défendre le soutien à un haut niveau de création, c'est indispensable. Je pense que nous devons tout faire pour préserver nos investissements dans les programmes, c'est cette vitalité qui nous permet de rester contemporain. Toutes les cultures ont leur place sur le service public, il n'y a pas de plus belle mission que de mettre en valeur toutes les cultures, le patrimoine, la création contemporaine. Cette ambition irrigue nos propositions, notre palette d'émissions culturelles se renouvellera sans cesse pour rester pertinente. Culture box a été une aventure durant le confinement et nous avons su continuer sans toucher à la programmation. C'est une pépinière de talents sans précédents. Avec le Canal 24, c'est une nouvelle ambition. 2024 a été riche en émotions, des Jeux olympiques de Paris, à la réouverture de Notre-Dame, nos écrans ont ébloui le monde entier. L'évènement sera l'avenir et la clé de la télévision de demain. Nous avons de nouveau les Jeux en France en 2030 et nous mettrons à profit l'expérience accumulée durant les Jeux de Paris. Il faut nous tourner vers les nouvelles générations. Rester contemporain, c'est évoluer sans cesse. Nous voyons tous autour de nous comment nos enfants ou ceux de nos proche consomment des programmes. L'imagination et l'inventivité sont une obligation. Ma priorité éditoriale est d'aller vers ces publics les plus jeunes, adapter nos formes à leurs usages. Je veux continuer à accroître nos investissements, nouer des relations solides avec les jeunes créateurs, d'abord avec l'animation française, pilier essentiel. Les talents de demain poussent sur YouTube aujourd'hui et je ne suis pas de celles qui s'en satisfont. Ils n'ont souvent plus besoin de la télévision pour émerger. Savoir les détecter, savoir travailler avec eux, c'est aussi prendre un temps d'avance. Pour jouer notre rôle auprès des plus jeunes, nous devons répondre aussi à une question fondamentale, celle du temps d'écran. Chaque jour émerge une nouvelle alerte sanitaire contre ce fléau, la télévision publique a une responsabilité particulière pour promouvoir un temps d'écran raisonné, adapté, notamment auprès des plus jeunes, particulièrement concernés par les enjeux de santé mentale. L'élargissement de nos publics, c'est aussi une meilleure représentation de tous. Nous ne devons pas relâcher nos efforts sur la représentation des femmes devant et derrière l'écran. Il nous reste à franchir un cap sur la place des catégories populaires. C'est un combat de tous les jours, parfois moqué ou méprisé, mais je l'assume pleinement car la juste représentation de tous est un enjeu de la télévision. Notre excellence va de pair avec l'exigence économique. Après dix ans de budget à l'équilibre, je me suis résolue à adopter un budget en déficit en 2025. Nous devons y remédier dans les plus brefs délais. Une entreprise publique se doit d'être à l'équilibre. Nous ne connaissons pas encore notre trajectoire budgétaire, mais nous savons l'ampleur de la crise des finances publiques. France Télévisions sait faire des économies, nous en avons fait de nombreuses, nous savons qu'il faudra continuer à en faire. Mais nous sommes à un stade où il est illusoire de rogner petit à petit sur une même organisation, il faut repenser le cadre. D'ici 2030, notre impératif économique est de diminuer les coûts de production. Pour produire autant, il faudra produire moins cher. Les moyens techniques plus légers, l'automatisation, nous ouvrent de nouvelles possibilités. L'intelligence artificielle va redéfinir les contours de la production. A nous d'en tirer les meilleurs profits. C'est une réalité qui s'impose à tous, producteurs et salariés. Je parlais de nouveaux partages de la valeur avec les producteurs, mais ils doivent s'engager sur la voie des économies. J'ai montré que nous savons renégocier des contrats historiques. Nous continuerons. Dans l'entreprise, nous allons travailler autrement. Un nouvel accord collectif est nécessaire pour assurer l'avenir de la télévision publique, préserver ses salariés. Seuls le dialogue et l'anticipation lucide peuvent éviter des évolutions brutales. La transparence est indispensable à toute transformation dans un contexte par ailleurs très chahuté. Cela passe par des alliances plus fortes et solides. Depuis plusieurs années, j'ai travaillé à renforcer nos intégration européenne avec les autres services publics. J'ai la même volonté pour la francophonie avec TV5 Monde et même si durant les dernières années, il y a eu des heurts, je n'ai jamais dévié de ma conviction de renforcer nos liens avec le secteur privé pour rester fort. La récente création de la Filière audiovisuelle est un excellent point d'appui pour que le secteur ne parle que d'une seule voix. Il est particulier de présenter devant vous aujourd'hui un projet pour France Télévisions sans parler de la holding discutée en ce moment au Parlement. Pour ma part, il n'y a pas de mystère, c'est le sens de l'histoire. Depuis le premier jour de mon action, je suis favorable au rapprochement, je l'ai été pour France Info, pour que France 3 et France bleu deviennent Ici. Le chemin parcouru a mené à ce rapprochement, en adaptant les structures, en réduisant nos coûts, nous nous sommes préparés à cela. Je comprends les inquiétudes des salariés, surtout dans le contexte économique actuel. Mais je crois, au contraire, d'une holding protégerait l'audiovisuel public, une arme de dissuasion contre la privatisation. Quel que soit le choix des parlementaires, vous pouvez compter sur moi pour défendre l'esprit de l'union. Je crois à un audiovisuel public fort et je ferai tout pour le défendre. Si vous me faites confiance pour un nouveau mandat à la tête de France Télévisions, j'engagerai ce projet sans tarder, j'ouvrirai au plus vite les discussions avec les organisations syndicales pour définir un nouveau cadre social, des discussions avec l’État sur la trajectoire budgétaire. Dès le 22 août, je mettrais en place 5 priorités, d'abord pour France Info, avec une grille augmentée, un nouveau studio, je veux voir la chaîne progresser dès la saison prochaine. Puis, le chantier d'une nouvelle organisation mêlant le numérique, les contenus pour parler à tous, exceller dans la distribution.
Basculer les contenus régionaux de France Info vers la plateforme Ici en clarifiant la promesse de cette offre avec un contenu uniquement local dès les prochains mois pour gagner en succès. Puis rebâtir un plan de coopération avec les partenaires de l'audiovisuel public en s'appuyant sur les conclusions de la mission Bloch. Si vous me faites confiance aujourd'hui pour présider à la destinée de cette belle entreprise, je souhaite que ce mandat soit celui du passage de témoin à une nouvelle génération. Je souhaite que parmi les publics qui grandissent aujourd'hui dans un monde saturé d'écrans, la télévision publique soit un point de repère, une balise qu'ils pourront retrouver durant leur vie. Je souhaite que parmi les créateurs d'aujourd'hui, les poètes qui veulent changer le monde à la force de leur imagination, l'espoir s'appelle France Télévisions. Je souhaite que dans un monde où se réveille la guerre, ceux qui ont le goût de la clarté, la soif d'informer, qu'ils sachent qu'il y a un média libre où on peut enquêter sans entraves, du bout du monde au coin de la rue. Que les jeunes qui entrent dans le monde du travail venir bâtir la télévision de demain soit prometteur, qu'émergent parmi eux les managers de cette entreprise de demain. La télévision publique a une histoire riche et dense, bâtie après la guerre par ceux qui voulaient éclairer les Hommes d'une nouvelle lumière, qui croyaient qu'une meilleure information de chacun assurerait la paix. Elle a eu une nouvelle jeunesse pour devenir le lieu de la différence, de l'exigence culturelle. Je suis candidate pour bâtir son avenir. Je vous remercie. -
- Merci beaucoup. On va passer à un premier échange avec les membres du collège. Et donc aux questions qu'ils pourraient vous poser. Commençons pas Juliette Théry.
- Merci Monsieur le Président, et merci Madame de votre présentation qui est très claire, très intéressante. J'ai une question qui concerne l'activité d'édition, dans un monde où de plus en plus le public a un accès direct aux programmes, soit directement par des offres purement numériques, vous l'avez dit, YouTube est un concurrent de France Télévisions, soit par des plateformes qui avancent de plus en plus vers un modèle hybride d'édition et de distribution. Donc dans ce contexte-là, et ces évolutions, comment selon vous préserver une offre et l'accès à une offre éditorialisée, c'est-à-dire sélectionnée de programmes, de contenus de service public qui ont toutes les caractéristiques de programmes du service public, que vous avez bien détaillées? Et de manière sous-jacente, concrètement, comment voyez-vous l'articulation entre l'activité d'édition, donc de sélection de programmes, et une activité de distribution qui tend plus vers une exhaustivité, dans ce contexte de plateformisation hybride? Merci.
- Alors c'est une question assez centrale pour les années qui viennent. Notre activité d'éditeur est évidemment première, c'est-à-dire que c'est la justification même de notre existence que d'être capable d'avoir d'abord une politique de l'offre, nous proposons de notre propre chef des programmes, et de savoir l'éditorialiser, d'abord pour que le plus grand nombre y ait accès, et également pour permettre à partir d'une découverte d'un documentaire, d'une fiction, d'aller un cran plus loin, de continuer à poursuivre soit la connaissance, l'acquisition de connaissances, la réflexion un peu plus loin avec d'autres programmes. Donc pour préserver cette offre, cette activité d'édition, le point central pour moi est vraiment de bâtir autour de la plateforme France.tv. C'est pour ça que récemment, nous l'avons ouverte à l'ensemble de nos partenaires de l'audiovisuel public. On regroupe aujourd'hui Arte, l'INA, bientôt les chaînes parlementaires, TV5 Monde, et il faudra je pense aller plus loin en hybridant les formats, en accueillant du texte, des podcasts, et en faisant une vitrine sur la télévision à l'offre magnifique de podcasts de Radio France. Donc déjà consolider, bâtir vraiment sur ce qui est d'ores et déjà notre première chaîne, France.tv. C'est pour ça d'ailleurs que je propose une organisation différente pour vraiment mettre cette plateforme au cœur. En matière de distribution, il y a deux choses différentes. Il y a comment on diffuse France.tv, comment on est présent sur l'ensemble des appareils connectés. Je crois que si on veut faire exister plus largement la télévision dans des univers où les concurrents sont Netflix, Disney, etc., il faut aller plus loin avec les partenaires, pour avoir ce portail d'intérêt général, pour permettre d'avoir accès en un clic aux chaînes linéaires et à la complétude de nos offres de la plateforme France.tv. Et puis il y a la marque. Un autre mode de distribution, c'est de distribuer les contenus les uns séparément de la plateforme. Je crois qu'il faut aussi qu'on le fasse plus, car c'est un moyen évident de toucher des jeunes publics qui regardent de moins en moins les médias traditionnels, qui sont de plus en plus sur YouTube et TikTok. Il va falloir qu'on trouve sur YouTube des compléments à ce qu'on peut avoir sur France.tv, voire même pour certaines œuvres ce qu'on a déjà commencé à faire, leurs œuvres dans leur intégralité, quand on sait que les publics ne peuvent être touchés que par ces moyens. Mais ça pose le sujet de: sommes-nous reconnus quand nous sommes sur YouTube? Est-ce qu'on sait que c'est France Télévisions? Est-ce que ça va inciter demain quelqu'un qui regarde un contenu sur YouTube à aller sur la plateforme France Télévisions. C'est pour ça que je pense que le mouvement que nous avons fait, que nous allons continuer à faire sur la marque est essentiel, il faut être reconnu, et c'est d'autant plus difficile dans l'environnement auquel nous faisons face. Donc oui, la marque doit être plus reconnue, c'est pour ça qu'on va avoir cette marque France.tv. - Dans la foulée, vous l'évoquiez, la réorganisation, le pôle premium, etc., comme c'est connecté à la question posée, si vous pouviez développer l'idée sous-jacente. Pourquoi ce n'est pas déjà le cas? Qu'est-ce que vous proposez de changer? - Nous avons eu une révolution assez forte en 2018 en décidant de passer d'une logique de chaîne à une logique beaucoup plus holistique, nous avons réorganisé la direction des antennes et programmes non plus par chaîne mais par genre de programmes. Et nous avons bien fait de la faire, c'est ce qui nous a permis d'avoir une offre à chaque instant beaucoup plus éclectique. Et je pense que cette façon de travailler n'est pas pour rien dans l'amélioration des audiences, des parts de marché dans le linéaire. Mais aujourd'hui, on est confronté à une petite limite, aujourd'hui concrètement les programmes sont pensés d'abord pour le linéaire, qui est le premier réflexe. Bien sûr on pense aussi à la plateforme car on l'éditorialise, et on pense aux réseaux sociaux puisqu'on met des extraits, on découpe le 20 heures par exemple pour donner accès aux différents sujets sur les réseaux sociaux, mais c'est après-coup, je dirais. Or, je pense qu'il faut penser les choses d'abord sur le numérique. Je vais prendre un exemple très concret. Je parle d'émissions politiques. Roumanie, c'est TikTok qui a fait l'émission politique, pas les médias privés et traditionnels. Qu'est-ce que ça veut dire en 2027, une émission politique qui ne serait pas pensée aussi en même temps avec sa déclinaison ou des formats qui peuvent être d'ailleurs assez différents sur YouTube, où on peut avoir des formats longs, ou sur TikTok des formats extrêmement courts? Donc dès la conception des programmes, il faut intégrer des formats et un mode de distribution différent. Le faire sans bouger le poids du corps vers le numérique, sans faire en sorte que la direction du numérique aujourd'hui qui est entre guillemets une direction à part entière, n'essaime dans toute la direction des antennes et des programmes, ça me paraît compliqué. Alors je ne présente pas un schéma d'organisation mais une philosophie d'organisation, et c'est pour ça que je propose qu'on mette ce chantier sur la table avec les équipes qui sont aujourd'hui en responsabilité, qu'on définisse les contours. L'objectif, c'est de passer le poids du corps du linéaire vers le numérique. Et de penser d'abord les contenus pour la plateforme France.tv. - Merci. Romain Laleix? - Madame, vous avez évoqué le budget 2025 en déficit, et la nécessité d'un retour à l'équilibre dans un contexte de très fortes contraintes sur les finances publiques. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos priorités dans l'allocation des moyens de l'entreprise, sur les économies ou ressources nouvelles que vous envisagez pour déployer votre stratégie tout en garantissant la soutenabilité économique de France Télévisions? - Alors en effet, le conseil d'administration a voté un budget en déficit en décembre parce que, à l'époque, il n'y avait pas de solution intelligente sans toucher aux missions de service public, ce à quoi l’État ne souhaitait pas qu'on renonce, et à juste titre de mon point de vue, il n'y avait pas d'autre solution que d'avoir un déficit, qui ne peut être que temporaire, car ce n'est pas possible d'avoir une entreprise publique en déficit. Quelles sont les contraintes? Je ne raisonne que sur les charges, je ne peux pas raisonner autrement, on est en discussion avec l’État mais je n'ai pas d'idée sur la trajectoire financière. Je pense d'abord qu'il faut préserver les programmes. Je l'ai dit, on a fait beaucoup d'économies, des réductions d'effectifs et aussi beaucoup de baisses sur les coûts des programmes. Un média qui continue de baisser les coûts de ses programmes s'empêche de la créativité et du foisonnement nécessaire pour rester pertinent, dans un monde où il faut faire des formats pour YouTube et pour TikTok. On va avoir besoin de cette créativité. Si on ne veut pas faire de coupes sur le budget des programmes, il faut impérativement qu'on retravaille notre façon de fonctionner. On sait qu'on a des freins qu'il va falloir qu'on lève. Pour plusieurs raisons. D'abord car on a des freins aujourd'hui qui ne sont plus justifiés, je pense qu'il faut qu'on sache peut-être redimensionner certains moyens en fonction de l'activité. Il va falloir réduire aussi certains moyens, certains moyens de production, car on peut, aujourd'hui. Et il va falloir travailler une bonne fois pour toutes, rompre avec ce qui nous freine et aller vraiment vers de la polycompétence. Ce qui nous freine aujourd'hui, c'est l'accord social sur lequel on est depuis 2013, et qui était nécessaire, ce n'est pas une critique de l'accord de 2013, mais aujourd'hui, on est 12 ans plus tard, les métiers et technologies ont changé, l'intelligence artificielle est partout, le sera encore plus demain, donc il va falloir qu'on redéfinisse le cadre des métiers. C'est tout ça qui doit permettre de faire baisser, de mon point de vue, en quelque sorte les frais de personnel qu'on met en place pour tenir notre activité. Par ailleurs, vous avez aussi évoqué des ressources supplémentaires. Je ne crois pas... Des ressources publicitaires supplémentaires. C'est vrai que nous sommes en pleine discussion avec certaines grandes plateformes pour justement distribuer l'univers France.tv. Ça fait des recettes en plus. Je pense aussi que si on a une vision, celle que je souhaite, d'abord numérique, il y a des opportunités qu'on n'utilise pas. Je vais prendre un exemple simple: la réouverture de Notre-Dame. C'est quand même deux jours d'images qui ont intéressé le monde entier. Qu'est-ce qui nous empêche de faire une chaîne éphémère, très événementielle? Au moment des JO... On n'y a même pas pensé à l'époque car on n'était pas dans cette logique de comment toucher le plus large public, de penser dès la conception de l'événement à sa distribution la plus large possible. Donc je pense qu'il y a aussi des revenus supplémentaires à aller chercher sur la distribution de manière générale. - Catherine Jentile? - Vous avez beaucoup parlé de l'information en expliquant que vous vouliez que ce soit un pôle d'excellence, lui rendre ses lettres de noblesse en mettant beaucoup en avant France Info, mais dans le monde aussi que vous avez décrit avec l'émergence des plateformes, de l'intelligence artificielle, des fake news, quel est le processus que vous allez mettre en place pour justement lutter contre ces ingérences? Vous avez parlé des élections à venir, on sait qu'il y aura beaucoup d'ingérences. Quels processus vous avez mis ou allez-vous mettre en place pour que France Info soit une référence de ce point de vue de l'information? - Vous avez raison de dire que les challenges de demain sont importants, et on en a évidemment... J'en ai bien conscience. Nous avons développé ces dernières années, je dirais, un pôle sur la détection des fausses images, la vérification des fausses images et vidéos. Et à ce titre, l'intelligence artificielle peut nous y aider. Nous travaillons très bien avec l'agence de Radio France qui a vraiment là aussi un pôle d'excellence sur la vérification des faits et notamment c'est l'agence qui vérifie tout ce qui passe sur France Info. On a à l'INA de grands spécialistes de l'intelligence artificielle. Donc c'est ce que je propose dans mon projet, je pense qu'il faut qu'on mette ensemble ces capacités, avec leurs particularités, mais qu'on soit capable d'avoir un pôle audiovisuel trimédia, qui soit capable de détecter des fausses vidéos, images, des informations textuelles erronées. Et nous avons déjà des équipes. Et les mettre vraiment en résonance me semble une première chose à faire qui est assez essentielle. - Merci. Bénédicte Lesage? - Merci Monsieur le Président, Madame, vous n'en avez pas encore parlé mais vous l'évoquez clairement dans votre dossier, vous souhaitez l'exemplarité écologique pour France Télévisions avec pour objectif de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030. Pouvez-vous nous donner les mesures principales pour y parvenir? Et par ailleurs, car c'est tout aussi important, et dans la responsabilité d'un média du service public, comment envisagez-vous les évolutions éditoriales pour renforcer l'information, la sensibilisation des jeunes publics à la transition écologique? Et dernière question, après j'arrête je promets, vous parlez de renforcer l'usage de l'IA, comment pensez-vous allier les atouts qu'elle peut apporter et la nécessité d'un usage soutenable au niveau environnemental? Merci. - Alors, c'est un sujet très important, je vais commencer par l'évolution éditoriale et je reviendrai, je parlerai de l'IA, bien sûr. Ça a été un sujet très important ces dernières années. Dans tous les genres, que ce soit la fiction, le documentaire, l'information, énormément renouvelé et accru ce sujet du réchauffement climatique et de la manière concrète de lutter au quotidien pour nos concitoyens contre ce fléau-là. A l'information, on a créé un service météo climat, sur nos antennes, tous les jours maintenant, on a un bulletin météo qui parle de cela systématiquement, on a renouvelé les documentaires, on a de grandes émissions, de grands évènements, bientôt, un grand évènement sur les océans en juin. Ça, ça va rester un axe prioritaire de notre ligne éditoriale. En interne, il y a plusieurs choses. D'abord, dans la production, vous savez qu'on a été assez leaders sur Ecoprod et Vendargues qui est un centre de fabrication très important pour nous, totalement conforme au label Ecoprod. Vendargues a une extension et d'ailleurs, on se réjouit de voir M6 qui va nous confier, qui nous a déjà confiés la fabrication de son feuilleton quotidien. Je pense que Vendargues a été très précurseur sur l'écoproduction et ça n'y est pas pour rien. Nous devons convaincre, nous-mêmes, notre écosystème, d'adopter ces standards d'écoproduction. Après, je pense qu'il y a des choses qu'on peut faire dans l'entreprise au quotidien. Et pour aller un cran plus loin, nous avons lancé une convention citoyenne sur, justement, l'écologie et comment, quelles sont les propositions qui peuvent venir de cette convention citoyenne, très concrètes, qu'on pourrait, nous, direction, s'engager à prendre pour contribuer là aussi à ce que l'entreprise produit en matière de gaz à effet de serre. On a pris le pari de faire une convention citoyenne, c'est-à-dire de ne pas s'appuyer sur les spécialistes car dans chaque direction, il y a les correspondants qui ont ça dans leurs responsabilités, mais on va devoir convaincre tout le monde, peut-être ceux qui ne sont pas encore convaincus. On a tiré au sort, c'est en ça que ça reprend le système de la convention citoyenne, 80 salariés qui vont être réunis en plusieurs séminaires durant l'année et qui devront décider d'une feuille de route pour l'entreprise. - Sur l'IA? - Alors l'IA, bon, l'IA, aujourd'hui, c'est quand même assez bestial, c'est quand même le marteau pour écraser la mouche. Vous demandez à ChatGPT, à Perplexity, l'adresse de l'Arcom, vous dépensez une énergie folle pour une information que tout le monde connaît par ailleurs. Mais comme il y a eu un déménagement récent, peut-être faut-il vérifier. C'est purement bestial. Je pense que ça va évoluer. Dans certains métiers adjacents, on voit déjà des moteurs d'IA beaucoup plus spécialisés, qui prennent moins d'énergie. Par exemple, vous êtes EDF, vous avez besoin d'un modèle de langage pour interagir avec vos clients sur votre facture, vous n'avez pas besoin d'avoir ingéré tout Balzac et Proust pour interagir avec votre client. Il y a d'ores et déjà, car ce n'est pas possible de garder un système qui consomme autant, soit des moyens de réduire la consommation, comme les Chinois qui, semble-t-il, ont un processus déjà plus économe, et même, je pense qu'il y aura des petits modèles de langage adaptés à chaque situation qui permettront d'être efficace sur la situation sans consommer ce que ça consomme aujourd'hui.
- Merci.
- Merci. Denis Rapone. Il nous reste une douzaine de minutes avant la fin de cette première partie. Et après Benoît Loutrel.
- Merci Monsieur le Président, Madame, dans votre exposé, vous nous avez parlé du pluralisme tel que le Conseil d’État l'a défini avec une exigence qui est globale, le pluralisme ne se réduisant pas selon cet arrêt et la loi, le Palais Royal n'a fait que restituer, l'ensemble des programmes pour l'ensemble des intervenants. L'entreprise, telle que vous la voyez, comment elle prend en compte cette exigence nouvelle? - C'est d'autant plus important pour nous qu'en tant que service public, nous avons un devoir d'exemplarité renforcé sur le pluralisme. Plusieurs choses, d'abord, je pense que, en effet, dans la vision du Conseil d’État, ça va au-delà des temps de parole des politiques, et même au-delà des temps d'élection. Et il faut veiller à l'équilibre, forcément toujours instable, des thématiques abordées dans les différentes quotidiennes, dans les différents magazines hebdomadaires, dans les différentes éditions d'information, leur angle et la diversité des personnalités amenées à s'exprimer dans ces différentes émissions. Et puis deuxièmement, je pense que le pluralisme, pour nous, c'est aller au-delà de faire en sorte que toutes les opinions s'expriment, c'est de faire en sorte que les opinions s'expriment dans la nuance et qu'il n'y ait pas de vision réductrice et confrontationnelle d'une même thématique. Mais réussir à faire passer la complexité des solutions des uns et la complexité des solutions des autres dans le débat. C'est ces choses qu'il faut réussir à mettre en place. Il faut en rendre compte aussi. On a décidé de mettre à disposition, à intervalles réguliers, la liste des intervenant de nos différentes émissions, la liste des thèmes qui ont été abordés, alors, ça ne suffira pas à prouver le pluralisme, mais c'est une manière d'être transparent, qui incitera aussi chaque producteur, chaque personne à s'interroger sur: est-ce qu'on a bien couvert la totalité du spectre? Est-ce qu'on n'a pas insisté sur un seul angle? D'abord, je crois à deux choses: on a besoin de débat interne. Ce débat, il est nécessaire, il a lieu régulièrement, évidemment, on n'en fait pas toujours état. Je sais que vous-mêmes, juste après le 7 octobre, à l'Arcom, vous aviez convié les responsables de l'information, pour discuter sur comment traiter ce sujet hautement inflammable. Je trouve que c'est une démarche qui va exactement dans le bon sens. Je me demandais si dans le même ordre d'idées, on ne devrait pas avoir nous aussi une forme de médiation plus forte, car la conflictualité augmente en volume et en agressivité, et je me demandais si, outre ces discussions préalables, cette façon collective de traiter des sujets qui est essentielle, plus c'est compliqué, plus il faut en débattre ensemble, mais s'il n'y avait pas aussi une place renouvelée à donner au comité d'éthique qui est sollicité quand il y a une polémique, mais relativement peu finalement, et si ce comité d'éthique, entre nous, irréprochable, qui ne dépend pas de France Télévisions, donc vraiment... Si on ne pourrait pas aussi le solliciter dans ces moments où on se pose des questions, peut-être en préalable, voire en médiateur pour éviter que tous ces conflits qu'on voit émerger ne finissent pas se judiciariser. Il y a quelque chose à inventer autour de la médiation avec le comité d'éthique. Je pense qu'il faut que nous soyons nous-mêmes plus en dialogue avec nos publics et créer un médiateur numérique, comme le médiateur qui répond aux courriers, là, l'ère est aux réseaux sociaux. Nous devons interagir de manière plus régulière.
- Benoit Loutrel? - Je voulais revenir sur le sujet de l'information, de la transformation de l'espace numérique, des réseaux sociaux. Vous dites dans votre projet stratégique qu'il faut reconnaître que les grands réseaux sociaux sont devenus des médias. Je partage cette idée, même si c'est dérangeant. Je me pose la même question sur les intelligences artificielles génératives, quand on rencontre des lycéens, pour eux, c'est naturel. Il faudra réformer leur inefficacité énergétique, mais je ne suis pas sûr qu'on pourra le combattre. Ma question: faut-il aller un cran plus loin? France Info devra-t-elle inventer des incarnations nouvelles propres aux réseaux sociaux pour aller dans ce temps de l'instantanéité qu'on n'a pas sur les chaînes d'information? Jusqu'où aller sur ce sujet-là? Merci.
- Sur l'IA, nous avons une approche collective, c'est un sujet que je discute beaucoup avec mes partenaires services publics européens et au-delà, car nous avons rendu publique la semaine dernière une plateforme de revendication vis-à-vis des géants de la tech, commune, avec la plus grande association mondiale de presse écrite. Et donc on a là, on parle d'une seule voix, public, privé, presse écrite et audiovisuelle. C'est important. Ce qu'on demande en priorité, et donc on a un certain nombre de prérequis, et je suis d'accord, on ne pourra pas se passer d'exister dans les différents modèles de langage, mais pas à n'importe quelle condition. On a besoin que l'autorisation soit demandée, d'abord, que les contenus ne soit pas absorbés, ils le sont aujourd'hui, mais que demain, ce ne soit pas sans accord. Et que ça ne se passe pas sans distribution de la valeur. Et ce que la presse française produit chaque jour... Là, on voit qu'on rentre dans un problème. On a un certain nombre de revendications de ce type, mais on ouvre aussi la porte en disant qu'on souhaite négocier avec ces grandes plateformes d'intelligence artificielle, on souhaite discuter avec elles pour voir comment trouver des compromis de part et d'autre pour être parties prenantes de ces moteurs de recherche qui existent déjà aujourd'hui, et peut-être de ces médias demain. Est-ce qu'il faut avoir des incarnants différents? Sans doute. - Des influenceurs du service public. - Sur les journaux pour enfants et adolescents que nous avons déjà, que nous publions, que nous mettons à disposition sur YouTube tous les jours, ce sont des incarnants différents. Mais oui, il faut qu'on apprenne à travailler avec des influenceurs, qu'on apprenne leurs codes et qu'on trouve une façon de fonctionner. Et je veux dire par-là que si on travaille avec un influenceur qui n'a pas besoin de France Télévisions pour exister, il faut qu'il respecte nos règles déontologiques. Et donc il faut trouver des moyens qui soient mis sur la table pour fonctionner avec des journalistes de chez nous, ou avec des influenceurs externes qui garderont leur liberté, mais dans le respect de nos chartes déontologiques. Donc oui, c'est un tout nouveau monde à inventer.
- Merci Laurence Pécaut-Rivolier. Il reste quatre minutes.
- Protection des enfants, vous en avez parlé, sujet brûlant, d'actualité. France Télévisions a toujours participé aux campagnes de sensibilisation et prévention, mais au-delà de ça, que faire dans votre projet pour mettre plus en évidence la nécessité de protéger les enfants, qu'est-ce que France Télévisions peut faire de plus?
- On peut aller un cran plus loin sur la prévention. Aujourd'hui, quand un enfant regarde un dessin animé sur la plateforme Okoo, les parents peuvent limiter un temps d'accès. Donc on va importer cette manière de faire dans l'univers France.tv, pour mettre en fonction du profil de celui qui se connecte des limitations de temps d'écran dans l'univers France.tv. Et également des messages d'alerte quand on sait que tel adolescent qui n'est plus un enfant, mais qu'il regarde depuis longtemps, de mettre un petit message disant qu'il est temps d'arrêter. Je pense que mieux on connaît ces publics, et sur France.tv, la plateforme, on connaît nos publics, plus on sera à même de prévenir une consommation trop forte de ces usages. Mais ça ne suffit pas, il y a aussi l'offre éditoriale, et prendre en compte ce sujet majeur, qui va de pair avec le sujet de la santé mentale qui se dégrade très fortement chez les adolescents, les jeunes qui ont vécu le Covid. Je pense que c'est un sujet de documentaires, de fictions encore à traiter, et c'est un sujet qui monte car les enfants et parents sont souvent très démunis sur ces sujets-là.
- Merci. Nous sommes à 59 minutes, je pense que nous pouvons, sauf s'il y a une dernière question très rapide, en rester là pour cette première partie de l'audition. Donc merci beaucoup, nous allons mettre à terme à l'enregistrement de cette première partie. Et enchaîner le temps que quelques ajustements techniques aient lieu. Je vais vous demander un petit peu de patience.
Projet stratégique de la candidate Mme Frédérique Dumas.
Audition de la candidate Mme Frédérique Dumas :
- Bonjour Madame, chers collègues, en application de sa délibération du 11 mars 2025 relative aux modalités de nomination, l'Arcom procède à l'audition de quatre candidats, je rappelle qu'aux termes de l'article 44 de 1986, les candidatures sont évaluées sur la base d'un projet stratégique et les décisions sont fondées sur des critères de compétences. Nous procédons à l'audition de Frédérique Dumas, une audition en deux parties: une partie filmée, enregistrée d'une durée maximale d'une heure, destinée à la présentation de votre projet stratégique, vous aurez 30 minutes maximum, puis un premier échange avec le collège, cet enregistrement sera rendu accessible sur le site de l'Arcom à l'issue de toutes les auditions, soit demain après-midi. Une seconde partie se déroulera à huis clos pour une durée maximale d'une heure en présence des membres du collège ici présents, le secrétaire du collège, le directeur général de l'Arcom. Un des collègues, Antoine Boilley, sera déporté de cette audition car il était salarié de France Télévisions il y a moins de trois ans. Madame Dumas, il est 16h32, vous avez la parole jusqu'à 17h02, éventuellement, je vous ferai un signe si vous choisissez d'utiliser l'ensemble du temps imparti.
- Merci Monsieur le Président. Mesdames... Vous me dites... Mesdames, Messieurs les membres de l'Arcom, c'est vraiment un honneur pour moi d'être devant vous aujourd'hui, mais je dois vous dire que je mesure toute la responsabilité car l'audiovisuel public est à la croisée des chemins. Il est confronté à la multiplication des modes de consommation de l'image et des usages, à des audiences qui baissent, de manière générale, sur les chaînes de télévision linéaire, à des publics qui s'éloignent, les jeunes, mais aussi certaines catégories sociales, des ressources publicitaires qui diminuent, des ressources publiques contraintes par le déficit budgétaire. Pour toutes ces raisons, c'est jusqu'à sa légitimité et sa pérennité qu'ils sont réinterrogés, voire chahutés. C'est pour ça que je suis devant vous aujourd'hui. Depuis toujours, à travers différents mandats, différentes fonctions, je me suis investie dans toutes les grandes problématiques du secteur, la préservation de la diversité culturelle, la chronologie des médias, les obligations d'investissement, la réduction des fractures, l'adaptation de notre régulation aux nouveaux entrants qui oblige à évoluer, tenir bon sur l'essentiel. Depuis toujours, je me suis investie comme productrice, au cœur de la création, mais aussi en tant qu'entrepreneure. C'est pour ça que j'ai souhaité réunir mes convictions, mes expériences, mes compétences, pour les mettre au service des défis à relever, vous partager un projet, une méthode, des propositions concrètes. Tout d'abord, affirmer que partir de l'analyse fine des usages, des préférences, des attentes, de la segmentation des publics par génération est devenu incontournable. Puis tirer les conséquences. La nécessité de clarifier les lignes éditoriales, attirer des talents, construire des marques fortes de programme, améliorer l'expérience utilisateur sur l'espace numérique, faire dialoguer les univers entre eux, avoir une stratégie marketing sur-mesure, subtile. Mais aussi renforcer la gouvernance en se dotant d'outils de pilotage efficient, bâtir un véritable pacte social, diversifier les ressources, avancer de manière déterminée et éthique. Je présenterai mon projet stratégique en trois parties, dans la première partie, les trois environnements dans lesquels est amené à évoluer France Télévisions, le linéaire, l'espace numérique et les plateformes propriétaires, puis les réseaux sociaux et les plateformes tierces. Puis les contenus et enfin les moyens nécessaires pour ce projet stratégique et tirer partie de la valeur créée. Première partie, les trois environnements où France Télévisions évolue. Tout d'abord, le linéaire. Pour moi, l'offre linéaire est, reste essentielle et forte pour construire des marques fortes et ça ne peut être assuré que par la complémentarité et la singularité des antennes. C'est essentiel à mes yeux si on veut s'adresser à tous les publics, répondre à leurs attentes, qu'ils soient prêts à découvrir davantage. La constitution d'un bloc central autour des premiers numéros est une formidable opportunité pour mieux penser et organiser l'offre linéaire de France Télévisions. Cette segmentation des offres qui permet une segmentation marketing est déterminante pour permettre de mieux produire et distribuer les programmes sur la plateforme numérique. France 2 est par nature, doit rester, la chaîne du rassemblement de tous les publics, c'est déjà le cas, mais je propose davantage d'innovation et de profondeur. France 3, chaîne de proximité, doit s'inscrire, elle, dans le quotidien des Français. Je suis convaincue que pour retrouver une dynamique à cette ambition, les citoyens et les acteurs locaux doivent se sentir concernés, écoutés, entendus, et même que cette proximité réponde à leurs préoccupations, valorise leur savoir-faire et leurs initiatives, je fais donc plusieurs propositions. Je propose des outils concrets pour ouvrir l'antenne davantage au public et ça ne concerne pas qu'Ici, ça doit être un marqueur du service public. France 4, je propose que la chaîne évolue et devienne la chaîne des enfants, de toute la famille, pour qu'elle soit perçue ainsi, il faut une éditorialisation cohérente en journée, mais aussi passer à une programmation familiale en soirée. J'ai toujours pensé que le maintien d'une chaîne linéaire sans publicité est une des raisons d'être du service public et contribue à lui donner sa légitimité. Inclure toute la famille, les parents, ça répond à une attente de plus en plus pressante et contribuera à lui donner davantage de force. C'est un changement significatif et il ne pourra être conduit qu'avec les acteurs du secteur. Le passage sur le Canal 4 sera une formidable opportunité pour cela. Concernant France 5, une modification de la ligne éditoriale pour qu'elle soit la chaîne des 25/49 ans, sachant qu'ils sont 30% de la population française. Mais elle n'aura de raison d'être que si elle rentre en dialogue avec une offre éditoriale renforcée, diversifiée dans la galaxie France.tv, portée par une stratégie digitale et marketing plus affinée. C'est un réel challenge, mais je pense qu'il est encore temps d'utiliser le linéaire comme puissante vitrine et l'atout d'avoir six chaînes, c'est un avantage comparatif qu'on nous envie et qu'on ne doit pas dilapider. Le Canal 27, bientôt 16, France info doit devenir ce pour quoi elle a été imaginée, une chaîne d'information en continu, en temps réel, réactive et pertinente, qui n'abandonne pas la profondeur et le décryptage pour autant. La création d'un bloc d'information est une formidable opportunité de placer France info TV au cœur de la stratégie d'information de l'audiovisuel public et en faire un emblème des coopérations de terrain avec les autres entités de l'audiovisuel public et réussir. Outre-Mer, la Première. Les chaînes ont globalement de bonnes audiences sur le linéaire, le numérique, elles sont des modèles d'intégration mais elles pourraient avoir des rôles à jouer encore plus forts. Nous aurons à ce titre besoin de prendre le temps de définir les stratégies les plus pertinentes, avec la mise en place d'une mission de terrain avec les acteurs locaux. Après, le deuxième environnement de France Télévisions, l'espace numérique France.tv et les plateformes propriétaires pour avoir une galaxie France.tv+. Aller vers une marque ombrelle était une priorité depuis longtemps, l'inclusion des marques du groupe, au vu de l'annonce de l'inclusion de l'INA, France 24, LCP notamment, va dans ce sens. Vous allez demander pourquoi je propose cela? Pourquoi le "+"? Au-delà du fait qu'il est possible d'encore agrandir le périmètre avec des coopérations au niveau européen, je souhaite en faire une alternative forte à la concurrence, une offre premium, gratuite, singulière, incontournable, avec une expérience utilisateur fluide et enrichie, là aussi de manière singulière. On doit pouvoir distinguer, reconnaître et apprécier l'offre de service public. Il y a plusieurs leviers pour cela. Tout d'abord, dès qu'on entre dans cet univers, on doit s'y sentir bien, ça doit être élégant, donner envie de cliquer partout, l'offre doit être lisible, compréhensible avec l'éditorialisation de tous les contenus, des thématiques, des rendez-vous, des collections, mais aussi avec l'évènementialisation, la possibilité d'avoir accès à des exclusivités et des parcours privilégiés. Se dire: il y a tout cela, c'est gratuit et c'est fait pour moi. Avoir le cheminement de pouvoir s'y retrouver facilement. La qualité graphique des contenus est un élément déterminant, comme la présence d'espace pour personnaliser son apprentissage et découvrir avec des parcours engageants. Autre levier, l'intelligence artificielle qui permet d'améliorer la recommandation, mais à mes yeux, la curation humaine doit être une des marques de fabrique de la télévision de service public. Elle doit être la plateforme qui humanise la recommandation en impliquant les visages de l'audiovisuel public ou des talents venant de l'extérieur, comme des ambassadeurs qui sont des relais d'opinion. Cela permettrait de répondre à l'exigence de découvrabilité. Il y a aussi d'autres leviers avec l'offre culturelle, le renforcement de l'attractivité des plateformes propriétaires, qui pourront contribuer également. Enfin, la manière de penser l'intégration de la publicité jouera aussi un rôle essentiel. Il y a bien d'autres pistes, qui ont un coût de conception, de mise en place, donc elles feront l'objet de réflexion menée en commun avec les autres entités de l'audiovisuel public. Cela fait partie aussi des domaines où les talents et compétences sont clés. Le troisième environnement de France Télévisions à présent, les réseaux sociaux et les plateformes tierces, je propose une stratégie digitale assume sur les médias sociaux, de promotion et de distribution des contenus existants, de création de contenus originaux, dédiés, de toutes natures, tous formats, s'adressant à tous les publics. Une stratégie de marketing digital offensive, jusqu'à la création de playlists, donc ce n'est pas que du digital first, mais avant, pendant et après. Cela ne veut pas dire qu'on renonce au discernement, il faut du sur-mesure, on ne les aborde pas tous de la même manière. Pas parce que les usages sont différents, qu'il faut adapter les formats, mais parce que d'autres paramètres doivent être pris en compte. Ce n'est pas une volonté de dissémination totale, mais une stratégie digitale pensée, réfléchie, adaptée donc inventive et créative également. Après avoir décrit ces trois environnements, aborder une seconde partie tournée vers les contenus. Les programmes en général, la création dans sa définition la plus large et l'information. Tout d'abord, la création, elle doit être en affinité avec chaque canal de diffusion. France Télévisions est le premier investisseur, cet engagement doit rester intangible et je suis attachée à cela. La clarification des lignes éditoriales de chaque chaîne permettra une éditorialisation plus fluide, y compris pour la culture, le sport, le divertissement, les magazines de société, jusqu'à la galaxie France.tv+, pour davantage de transparence dans les choix, une facilitation de développement de concepts et formats originaux en permettant aux partenaires de France Télévisions d'être des forces de proposition à la fois créatives et ajustées. A côté de la création au sens large, un autre défi à relever, l'information. Dans ce domaine, ce qui me tient profondément à cœur, c'est que l'audiovisuel public parvienne à desserrer l'étau de la polarisation, il faut un pluralisme, une impartialité, grâce à de la rigueur, de la transparence. La défiance vis-à-vis des médias s'accroît, dans un univers saturé par un excès de polarisation. Faire preuve d'humilité devient une nécessité absolue, avec un principe: la liberté et l'autonomie doivent s'exercer et avec un cadre déontologique transparent et partagé pour réduire la défiance et les possibilités d'instrumentalisation. Il nous faut bien sûr continuer à améliorer et renforcer les méthodes de vérification de l'information, en lien avec les autres entités de l'audiovisuel public, en partageant les bonnes pratiques, outils pour être plus efficients, et aussi être perçus comme tels. Il faut aller plus loin car le principe du fact-checking a ses limites, il faut davantage de participation des citoyens et du travail constructif. Je propose quelques pistes permettant de tenir cette promesse. Je l'ai évoqué au début, France Info sera un des chantiers prioritaires. Il sera vital de redéployer les moyens et concevoir une stratégie coordonnée avec les autres entités de l'audiovisuel public. Comme première étape, je proposerai à la présidente de Radio France qui vient de présenter sa feuille de route d'envisager la nomination d'une directrice ou un directeur commun avec tout ce que cela implique bien sûr de bonnes volontés. A côté du rôle clé de l'information et la création, c'est aussi l'attractivité de l'offre culturelle est qui absolument fondamentale à renforcer. Il s'agit d'en faire un véritable marqueur pour distinguer l'offre du service public. France Télévisions est le premier diffuseur national du spectacle vivant. C'est 40% des contenus diffusés. Cela ne représente que 22% des consommations actuellement. Par exemple, la chaîne CultureBox concentre 56% du temps d'antenne consacré à la culture, mais pour des audiences très basses. Nous sommes bien face à une vraie problématique, qui je le reconnais ne date pas d'aujourd'hui. Je propose donc de supprimer la diffusion de Culturebox le soir sur France 4 enferme la culture dans une boîte élitiste, et de disséminer sur l'ensemble des autres canaux. Si le défi est difficile à relever, certains partis pris comme la singularité des chaînes permettraient d'apporter des idées innovantes. La culture devra également être repensée au sein de la galaxie France.tv +, comme un portail culture, pensé comme un magazine culturel en ligne, avec une hiérarchisation des événements, mais aussi une éditorialisation davantage conduite par les attentes du public. Pour rendre la culture vivante et accessible. Et j'aborde des sujets transversaux, la diversité, l'éducation aux médias. Renforcer la diversité dans toutes ses composantes, notamment concernant la diversité d'origine, le handicap ou des catégories sociales plus éloignées. Je souhaite aborder avec un état d'esprit différent l'ambition du pacte de visibilité concernant les Outre-Mer, avec davantage de détermination en termes d'exposition. La diversité peut aussi s'appréhender à travers des sujets plus techniques comme la modernisation de la TNT qui permet de réduire les fractures territoriales, mais aussi d'usage. Je fais par ailleurs des propositions pour renforcer l'éducation aux médias et à l'information. Enfin, suite à cette deuxième partie, une dernière partie concernant les moyens nécessaires pour conduire le projet stratégique que je présente. Tout d'abord, je propose une gouvernance renforcée. Je suis convaincue, et j'ai eu de nombreuses occasions de l'évoquer dans mon rapport sur l'audiovisuel public de 2018 que seule une gouvernance permet de prendre des décisions pertinentes, une bonne gouvernance seule peut permettre cela, avec les organismes de contrôle, la tutelle, les salariés et citoyens. Sans elle, c'est la défiance qui s'installe, conduit à l'impuissance. Je parle ici de la gouvernance au niveau même de France Télévisions, qui repose sur la transparence, l'exemplarité et la responsabilité à tous les niveaux. Pour que cela atterrisse dans la réalité, cela passe notamment par la capacité de se doter d'outils qui permettent un pilotage éclairé, des outils efficients d'analyse, de prévision, de suivi des dépenses et de l'activité, de traçage, de planification et évaluation. Certains de ces outils n'ont pas encore été mis en place alors qu'ils figurent dans les recommandations de la Cour des comptes depuis 2016, comme le fait de se doter d'une comptabilité analytique. Une gouvernance renforcée permettrait d'ouvrir l'élaboration d'un nouveau pacte social sur des bases partagées. En effet, renforcer les offres éditoriales dans leurs spécificités et complémentarités, les décliner, prendre en compte les publics et l'évolution des usages, s'adapter aux évolutions technologiques, retrouver des marges de manœuvre, cela n'est possible qu'en faisant évoluer les métiers, en prenant en compte l'automatisation de certaines tâches. Mais cela ne doit se faire qu'en continuant d'une part à garantir la plus-value de service public et d'autre part en redonnant du sens au travail, à celles et ceux qui font le service public au quotidien, en formant et en accompagnant les nécessaires évolutions de toutes natures. Je souhaite donc proposer de faire évoluer l'accord collectif de 2013 en construisant le projet, en partant du terrain, en ouvrant le champ des perspectives pour les salariés. Les évolutions technologiques, l'émergence de l'IAG entraînent de tels bouleversements que cela ne peut se faire qu'en transparence, en respectant un cadre éthique et durable. Je souhaite donc me reposer sur une stratégie de ressources humaines digne de ce nom, c'est une conviction profonde. C'est le seul moyen de retrouver la confiance, de maintenir une certaine exigence et d'avancer. Il n'est bien sûr pas possible de terminer cette présentation sans aborder la problématique du financement de l'audiovisuel, enjeu crucial pour assurer sa pérennité. La situation financière de France Télévisions est très fragile. Le plan d'incitation à la transformation a été abandonné, le déficit se creuse, et la trésorerie annoncée comme négative pour les années qui viennent limitent les capacités de financement. L'inspection générale des finances a mis en avant une impasse financière. Il est difficile d'avoir une idée des choix faits par rapport aux économies demandées en 2025. Vous avez mis en lumière que sans retraitement comptable, l'équilibre de France Télévisions connaît deux années de déficit, en 2021 et en 2022, pour une somme globale de 60 millions d'euros. Vous avez précisé que les années d'excédents proviennent du résultat exceptionnel. Et vous avez relevé qu'en 2023, l'équilibre du résultat d'exploitation résultat des modalités d'amortissement des programmes, ce qui a amélioré facialement les charges, sans compter la recapitalisation par l'Etat. Il existe à mes yeux d'autres incertitudes, avec une absence de visibilité concernant certains sujets en cours, comme Vendargues. Il sera donc essentiel de conduire rapidement des audits complets, financiers et opérationnels, en partageant les conclusions en toute transparence avec l'actionnaire et la représentation nationale. Le rapport de la Cour des comptes pourra venir éclairer cela. Face à cette situation, des ressources non-stabilisées voire en diminution, comme la publicité sur le linéaire, c'est la capacité à retrouver un dialogue avec la puissance publique et la représentation nationale autour d'un projet partagé qui devient essentiel. Ce qui est tout aussi incontournable, c'est mettre en place une dynamique sur le développement de coopération et l'émergence de ressources commerciales nouvelles au service de la transformation du modèle. Pour répondre en partie à cet enjeu, je propose de mettre en place une politique de diversification créative, et pour la rendre efficiente et transparente, la création d'une entité France Médias Créative, permettant l'élargissement des ressources dans le temps. Qui regroupera ainsi France Télévisions distribution, la régie France Télévisions publicité, et une nouvelle entité, France Télévisions diversification. La majorité des médias au niveau européen ont valorisé leur marque avec des entreprises tierces. Il s'agit d'agrandir le périmètre de France Télévisions et renforcer sa souveraineté. France.tv Studios sera ainsi amené à jouer un rôle important. La mise en place des coopérations avec les autres entités de l'audiovisuel public jouera un rôle déterminant. Concernant le recours à la publicité, au parrainage, je souhaite un modèle réfléchi, responsable, qui distingue le service public sans le couper de ses ressources spécifiques. Je propose une stratégie publicitaire qui intègre les innovations, ciblées, géolocalisées, mais surtout en ne cédant pas aux modèles intrusifs, en participant à la création d'un modèle durable, dans la suite de la démarche de Radio France. Je vais maintenant conclure: proposer une vision, un modèle, essayer de répondre du mieux possible, de manière compréhensible et concrète à l'ensemble des enjeux auxquels est confronté France Télévisions, m'a guidé tout au long de la construction de ce projet stratégique. Ce que je souhaite, c'est donner envie, construire la confiance, ouvrir les fenêtres, avoir le sentiment, la fierté de contribuer à bâtir ensemble avec les salariés, en coopération avec les autres entités, le service public de l'audiovisuel d'aujourd'hui et de demain, de contribuer ainsi à renforcer sa légitimité et pérennité. C'est dans cet état d'esprit que je présente ma candidature à la présidence de France Télévisions. Et je vous remercie.
- Merci beaucoup, on passe aux questions des membres du collège, d'abord, Juliette Théry.
- Merci beaucoup Monsieur le Président. Merci Madame. J'ai une question à vous poser au sujet de l'échelon intermédiaire que constitue l'offre éditoriale. Faire une activité d'édition, c'est sélectionner les programmes, les présenter à l'ensemble du public et quand on a des obligations de service public, c'est en plus une mission difficile dans les temps qui courent parce que le public, de plus en plus, bénéficie d'un accès direct aux programmes, à tous les programmes en réalité, sans vraiment une logique de sélection pure et dure, et grâce des offre soit numériques par les réseaux ou autres, ou des plateformes médias s'orientant vers des modèles hybrides de distribution et d'édition. Lorsque je vous écoute, j'aimerais connaître et bien comprendre ce que vous souhaitez quand vous dites vouloir la clarification des chaînes de France Télévisions avec une plateforme unique de référence, claire pour l'ensemble du public d'une part, et comment vous voyez l'articulation entre édition et distribution? Comment engager une offre éditoriale sélectionnée de service public dans ce monde assez compliqué qu'est celui de la distribution des médias à l'heure actuelle? Je vous remercie.
- Merci. En fait, ce que je pense, c'est qu'il faut parvenir à faire dialoguer l'ensemble de ces univers. Je pense que sur le linéaire, c'est très important, effectivement, de singulariser chaque antenne et la rendre complémentaire parce que ça permet aux publics de les identifier plus clairement et ça permet à ceux qui font le service public, qui l'éditorialise, de faire des choix, et également ceux qui font les programmes, à l'extérieur ou l'intérieur, de comprendre. C'est pour dire qu'on part de là. Et j'allais dire, on a tous en tête le clair de Canal+, pour moi, les chaînes linéaires, c'est ce clair de manière massive. On a 9 chaînes, si on compte l'Outre-Mer, donc on a cette chance de pouvoir pousser, mais on ne peut l'utiliser à fond que si on a un pacte fort, qu'on peut les identifier clairement. De l'autre côté, il faut, là, c'est dans la plateforme, plus du tout dans les chaînes, on n'est plus sur les thématiques, c'est une éditorialisation qui n'a rien à voir, mais pour faire le lien, c'est cette stratégie digitale qui permet de pousser des programmes sur le linéaire, pouvant être déclinés. Quand je dis ça, c'est décliné car ce sont des outils marketing qui mettent en avant les programmes, mais ça peut être des contenus créés uniquement pour les publics allant sur les plateformes. L'idée, c'est d'aller jusqu'au dernier mètre, de multiplier les points de contact pour les toucher. Vous avez raison, on peut avoir une belle plateforme, très bien éditorialisée, mais si personne n'y va, ça ne sert pas à grand chose. Jeff Bezos avait dit: le premier qui parle de plateforme sera viré, je veux des choses qui communiquent. C'est ça, c'est comment on fait communiquer les choses, comment on crée des points de contact pour faire revenir les publics sur France.tv+ et sur le linéaire, ce sont des stratégies de va-et-vient, et pour ça, il faut aller où ils sont. Si on a des programmes emblématiques sur le linéaire, ça renforce ce... Ce ne sont pas des atouts qu'ont les plateformes SVOD car elles n'ont pas cette capacité de promouvoir leurs offres avec une offre gratuite et en clair. Je ne sais pas si j'ai été claire.
- Il y a aussi l'aspect distribution par France Télévisions s'engage, vous l'avez dit dans votre présentation, s'engage à distribuer d'autres services publics, comme l'INA. Comment vous le voyez de votre côté?
- Sur la plateforme?
- Oui.
- Là aussi, si ce sont juste des entrées, on a quitté l'entrée par les chaînes sur la plateforme, mais si on revient par des entrées uniquement sur TV5, INA, dans un premier temps, c'est bien car c'est utile, mais l'intérêt, c'est de pouvoir rééditorialiser. On a un avantage quand même, c'est l'intelligence artificielle qui permettra quand même de monter, éditorialiser des offres à partir de contenus pouvant paraître immenses. Ça peut paraître intéressant de les éditorialiser et pas juste les balancer en disant: maintenant que vous êtes là, vous cliquez sur cette entrée.
- Si je peux juste rebondir, dans votre projet, vous évoquez la création d'un réseau social avec d'autres entités de l'audiovisuel public. Vous pouvez en dire plus?
- D'abord, je voudrais dire que ce n'est pas un concept de plus. On se dit: s'il y avait un iCloud français, européen, non. Mais pourquoi je voulais en parler. D'abord, parce que quand même, ça reste un sujet où si on pouvait retrouver de la souveraineté, non pas juste parce qu'il faut un réseau français européen, mais juste pour faire quelque chose de différent, ça serait intéressant. Et j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs start-ups et puis, j'ai fait référence à Audrey Tang, la ministre du numérique de Taïwan, devenue ambassadrice du numérique de Taïwan, c'est un petit génie. Vous savez, Taïwan est 4e au niveau de la démocratie, premier en Asie, et durant le Covid, ils n'ont utilisé aucune technique obligatoire, ils ont réussi par l'interaction avec la population à créer la confiance et aller vers, que les gens viennent vers eux. Elle a modélisé, elle est venue récemment, je la connais, j'ai travaillé avec elle, mais à Paris, elle m'a montré ce que pourraient être les prémisses d'un réseau sociaux qui ne sera pas basé sur le bénéfice à aggraver les clivages, la viralité liée à l'instrumentalisation des biais cognitifs, mais au contraire, trouver une voie qui est aussi liée à nos biais cognitifs, qui est d'avoir un plaisir, d'être en sécurité, de faire son propre chemin. Elle a modélisé ça, c'est intéressant. Je ne sais pas si c'est un projet à quatre, cinq ans, voire plus, mais avec les autres entités de l'audiovisuel public, avec des start-ups, tous ceux qui veulent trouver un autre chemin, essayer de faire quelque chose ensemble. Mais ça reste à explorer.
- Merci pour cet éclairage. Romain Laleix?
- S'agissant de la situation financière de l'entreprise, vous avez évoqué la nécessité de trouver des gisements d'économies, des manières de réduire les coûts, mais aussi développer des ressources nouvelles. Au-delà de l'accord d'entreprise dont vous venez de nous parler, identifiez-vous d'autres périmètres, d'autres activités, d'autres enjeux d'économie très concrets? Et au-delà de la publicité numérique, identifiez-vous des activités qui pourraient produire plus de ressources pour l'entreprise demain?
- Tout à fait. Sur la première partie, je pense que s'il y a déjà un état des lieux avec des audits, à la fois financiers, opérationnels et autres, je pense qu'on pourra trouver un certain nombre de marges de manœuvre. C'est pour ça que la transparence, ça permet de vérifier l'information. Il y a des marges de manœuvre quand on voit les choses telles qu'elles sont. Par exemple, la comptabilité analytique qui permettrait de distinguer la masse salariale, c'est très important. Il y a des endroits, ça peut coûter, 40, 50% plus cher sans qu'on s'en rende compte. Ça serait plus facile de mener certaines discussions avec les représentants des salariés également. Je suis vraiment pour une politique de ressources humaines qui prend en compte, transparente, mais la transparence doit être de tous les côtés. Quand on est productrice, on a l'habitude d'essayer de trouver des économies en mettant les mains dans le cambouis, on va chercher les choses les unes après les autres, ce que permettent les états des lieux, faire du sur-mesure. Si les coupes arrivent de manière brutale et massive, la plupart du temps, elles ne servent pas à transformer. Je suis pour avoir le maximum d'outils pour guider la manière de faire les économies, même si je ne vous cache pas qu'aujourd'hui, j'ai du mal à savoir la réelle situation, car il n'y a pas que la situation à court terme, il y a la capacité d'emprunt, vu qu'il y avait des dettes à long terme... A un moment donné, est-ce qu'on se retrouve devant un iceberg et on se dit: voilà, tous les ponts sont coupés. Ça sera important d'en prendre connaissance. Sur les nouvelles ressources, la publicité, c'est normal de l'adresser, moi, je veux l'adresser de manière éthique et durable. Le service public, c'est sa particularité, de se distinguer tout le temps. C'est une politique de diversification, comme ça se fait dans beaucoup d'autres chaînes privées, publiques. C'est une question de souveraineté aussi. C'est par exemple, c'est pour ça que je parlais du Studio. C'est produire des évènements, des films institutionnels, tout un tas de prestations pouvant être produites pour des entreprises tierces. C'est ce qu'on appelle l'association de marques, pouvant être intéressante. On peut financer des grandes soirées éditorialisées sur le diabète, des problèmes de santé à travers des marques, sans qu'elles apparaissent, c'est possible à l'antenne, l'association de marques peut être intéressante. Il y a la partie aussi où les figures emblématiques du service public peuvent venir porter des causes à l'extérieur ou non. Et là, je sais que je touche un point sensible, je trouve ça dommage, ce n'est pas le cas des chaînes privées, notamment TF1 et M6, que les figures emblématiques du service public, quand elles portent un message à l'extérieur, qu'elles ont construit leur notoriété avec les valeurs du service public, éventuellement, ces ressources échappent au service public, ce qui n'est pas le cas ailleurs. Je propose pour ça qu'il y ait une agence pour accompagner les talents de France Télévisions car c'est aussi de l'assistance juridique, trouver peut-être des prestations, mais de l'autre côté, garder un cadre éthique, être sûr qu'on préserve bien les valeurs du service public et qu'une partie de la rémunération revient au service public. Je pense que c'est comme pour les réseaux sociaux ou autres, beaucoup de choses doivent être réinternalisées, pour des questions de souveraineté. Il n'y a pas de raisons, il y a beaucoup d'agents dans le service public, donc c'est important de récupérer cela. Après, c'est aussi, peut-être, cette habitude quand on est une productrice de cinéma, qu'on sort un film, des talents viennent faire la promotion. Ça paraît normal que les talents s'engagent pour faire la promotion. Je pense que les talents emblématiques de France Télévisions peuvent s'engager pour agrandir le service public.
- Catherine Jentile?
- Vous parliez que France Info doit être une marque de référence, avec un fact -checking qui n'est pas suffisant dans ce monde en pleine évolution et effervescence, et vous parliez de la réduction de la défiance du public vis-à-vis des médias. Quels sont les moyens que vous pensez utiliser pour réduire cette défiance et rendre à l'information le statut auquel vous voulez qu'elle soit portée?
- Moi, ce qui m'a vraiment frappée le plus, c'est qu'il y avait ce travail de vérification de l'information qui doit quand même se faire et s'améliorer car ça reste quand même la base. Pour le service public, on s'est tous rendu compte que même si c'était fait, c'est le service public, donc c'est faux ou engagé. Donc ça veut dire que la réponse n'est pas juste de dire: vous avez tort. Ça n'a pas beaucoup d'intérêt. L'intérêt, c'est de convaincre. Là, je pense que c'est en associant beaucoup plus, de manière générale d'ailleurs, pas que les médias, en associant beaucoup plus les citoyens, à la fabrique de l'information, à la construction du dialogue. Je pense, pareil pour l'éducation aux médias, plus on fait l'expérience des choses, plus on les comprend, leur complexité, pourquoi ce n'est pas si simple que ça. Il y a pas mal de propositions, dont une emblématique, travaillée avec le Professeur Pialoux, épidémiologiste à la Salpêtrière, qui a travaillé sur des méthodes différentes pour aller vers, la fameuse confiance au moment du Covid, principalement sur Paris, et au moment où on a travaillé sur le Covid, il y avait l'histoire de savoir d'où venait le Covid, si c'était d'origine animale, ou une fuite de laboratoire. Ça a évolué. Au début, la thèse était de dire que c'était environnemental, maintenant, c'est la thèse du laboratoire. C'est là qu'il a monté toute une opération au théâtre de la ville avec cette idée-là d'une cour d'assises avec un président, deux avocats, l'un pour défendre la thèse de l'environnement et l'autre la thèse de la fuite de laboratoire. Alors qu'ils s'étaient affrontés par médias interposés, l'un disant que c'est animal pour telle raison, là, devant... Il y avait aussi d'autres présents. Là, on s'apercevait que tous les arguments, à 90%, ça allait vers la thèse de la fuite de laboratoire et il y avait peu d'arguments pour l'autre. Mais parce que c'était exposé et que chacun pouvait suivre le chemin de l'argumentation, on s'en rendait compte. A la fin, chacun arrive, pas à sa propre conclusion, mais à la conclusion car on l'a amené sur un chemin. Il y a des sujets, on n'arrivera pas à dire: c'est bien, c'est pas bien. Sur le solutionnisme technocratique d'un côté, la décroissance radicale de l'autre, on sait bien qu'on n'aura pas... Avec les codes du suspense, une forme de télé-réalité, ça peut s'étendre peut-être et on fait son propre chemin. Il y a aussi d'autres moyens dont on a parlé. Par exemple je pense que, Ici, pour revenir à l'application Ici, on pourrait, et j'ai parlé du fait qu'il fallait faire attention, avoir du discernement quand on mais du contenu sur TikTok, on s'est rendu compte que pendant les élections en Roumanie, l'algorithme poussait un candidat, et les autres étaient invisibilités. Pour les municipales, ce qui serait intéressant, car l'avantage est d'être au plus possible, avec Ici, au plus près du terrain, des acteurs locaux, des citoyens, comme des maires, ce serait bien de pouvoir ouvrir des comptes, ouvrir un espace de discussion sur l'application Ici, de manière un peu propriétaire et souveraine sans se dire que peut-être, si on était allé ailleurs, ça n'aurait servi à rien. C'est un peu des exemples comme ça, et il y a d'autres propositions d'émissions. Il y a France Positive, où l'idée est de se dire que c'est pareil, sur le terrain, tous les sujets qui sont l'Europe, l'environnement, même la culture, la plupart du temps, il peut y avoir un rejet, juste parce que c'est écrit "environnement", "Europe", personne n'y va. C'est vrai que ça peut être intéressant de se dire qu'au quotidien, il y a beaucoup de citoyens ou d'associations qui sont engagés sur ces sujets, qui la plupart du temps sont là pour présenter des solutions très innovantes. Donc voilà, France 3 devenue Ici, et avec l'application et l'antenne, pourrait se rapprocher. En fait, je pense que les citoyens, si on ne se rapproche pas d'eux, qu'on ne résout pas leurs problèmes, qu'on n'est pas utile, il n'y a pas vraiment de raison de développer un réseau régional de télévision. - Merci. Bénédicte Lesage? Il reste une douzaine de minutes. - Je vais être rapide dans ma question. Juste pour parler environnement, puisque ça vient d'être abordé, qu'est-ce que vous portez comme ambitions dans la transition écologique pour France Télévisions, aussi bien en réduction des émissions de gaz à effet de serre qu'en termes de programmes sur l'ensemble des chaînes linéaires, non-linéaires et même les contenus qui pourraient aller sur le numérique pour sensibiliser, informer le public et l'amener à s'engager dans la transition écologique?
- Alors il y a deux parties à votre question. Moi, je sais que je fais des réponse un peu longues, même si les questions sont courtes. Il y a deux parties, à l'intérieur de France Télévisions et puis vis-à-vis des publics. A l'intérieur de France Télévisions, ce qui est compliqué quand on est à l'extérieur, c'est de se rendre compte du chemin fait ou pas fait. C'est pour ça que j'ai proposé un état des lieux et cette mission de coordination par exemple de la RSE, et je rajoute de l'environnement, c'est donc plus de coordination, comprendre comment ça fonctionne, de comprendre comment des ambassadeurs pourraient s'en saisir. Et comment on fait atterrir un peu les choses dans la réalité et pas juste dans le concept. Je n'ai pas tout à fait la lecture, tous les élément qui se me permettent de dire exactement comme ça se passe aujourd'hui, je crois que beaucoup de choses ont été faites, c'est un engagement fort de la présidente actuelle. Je sais qu'elle s'est engagée à encore diminuer l'empreinte carbone de 40% d'ici 2030, donc voilà, tous ces enjeux. Et vous l'avez vu pour la publicité, j'en ai parlé quand même, se rapprocher de formats éco-conçus, et donc d'avoir une vraie politique de coordination de l'ensemble de ces sujets, ça je m'y engage. Sur comment on parle au public et aux citoyens, j'en ai donné un exemple sur le fait d'aller au plus près de ce qui est fait, puisque, sincèrement, la plupart du temps, c'est quand même des initiatives extrêmement positives, et il y a ce rejet un peu aussi de voir toujours l'écologie, l'environnement comment quelque chose qui favorise l'éco-anxiété, car on se dit que tout ça, on n'a pas envie de le voir. Donc c'est la première chose, mettre en avant des initiatives au quotidien qui montrent qu'il y a des chemins possibles, que c'est intéressant et qu'en plus on s'amuse. Et sinon je pense que sur ce sujet comme sur d'autres, il faut en faire non pas des cases mais essayer d'avoir des critères qui pourraient venir alimenter ce qu'on appelle les lignes directrices éditoriales, quand elles sont présentées au producteur. Je pense que c'est plus intéressant, par exemple l'Europe, on l'apprend plus à travers l'Auberge espagnole qu'à travers un programme sur l'Europe. Je pense que tout ça se fait dans les lignes éditoriales, pour que les citoyens ne sentent pas qu'on leur impose. C'est davantage ça que je proposerais.
- Merci. Benoît?
- Merci. Dans votre structure, trois environnements pour France Télévisions. Je reviens sur les réseaux sociaux. Vous dites qu'il s'agit de diffuser en partie les programmes venant d'autres environnements, et aussi d'avoir une offre originale propre aux réseaux sociaux. Pouvez-vous en dire plus? Des formats, des incarnations des services publics, des influenceurs des services publics? - Et pour compléter, vous aviez dit que vous ne vouliez pas disséminer, donc ça va avec la question précédente, avoir votre vision sur les réseaux sociaux.
- Quand je dis ne pas disséminer, ce n'est pas de dire qu'on ne va pas partout, mais c'est se poser quand on y va. Chaque stratégie doit être fine en termes de marketing, mais aussi d'éthique. J'en parlais pour l'information, peut-être qu'il vaut mieux aller sur Ici pour développer quelque chose d'intéressant et pas TikTok. Et donc chaque fois on se pose, on regarde les principes, on se rappelle les objectifs et on fixe un chemin en fonction des objectifs qu'on s'est donnés pour que ça atterrisse. Quand j'ai dit... Alors peut-être que dans mon expression, j'ai mélangé deux choses. Il y a le fait que sur la plateforme, il y a par exemple Slash qui ne fonctionne pas très bien. - Je vais peut-être clarifier, sur l'information, en disant que finalement, on doit constater qu'une partie importante, enfin significative de la population ne s'informe que par les réseaux sociaux. Donc est-ce qu'il doit y avoir une offre spécifique d'information qui vienne de France Télévisions et qui soit conçue pour être dans les codes, les formats, les écritures propres aux réseaux sociaux, en connaissant le particularisme que Twitch n'est pas TikTok? - Oui, je suis d'accord, je pense qu'il faut avoir des formats adaptés sur l'ensemble des réseaux sociaux, mais en partant, par exemple de France info, en partant de l'offre propriétaire. Ça ne veut pas obligatoirement dire... J'allais dire, dans ce domaine, ne jamais dire jamais, car si on parvient à trouver, si on fait une chaîne YouTube qui peut être intéressante sur les réseaux sociaux, une déclinaison d'une marque forte de France Télévisions, pourquoi pas? C'est pour ça que je ne peux pas vous répondre qu'on ne le fera pas, mais juste qu'à chaque fois, il faut bien se poser la question, c'est sûr qu'il faut aller là où ils sont, s'ils ne s'informent que comme ça, il est impossible de ne pas faire de proposition. Maintenant, est-ce que c'est quelque chose de pensé à partir du réseau social ou est-ce une adaptation de quelque chose qui a été pensé dans un autre environnement? Là c'est compliqué pour moi d'être aussi précise là-dessus. En revanche, je pense que c'est un sujet complexe mais pas tant que ça, c'est-à-dire que c'est complexe car quand on veut en parler de manière générale, c'est compliqué mais en fait, ceux qui sont spécialisés là-dedans savent le faire. Donc je pense que sur ces sujets-là, il faut une équipe hyper compétente, à la fois sur le plan technologique et sur le plan créatif et de l'inventivité éditoriale. Mais ça se trouve, j'allais dire, dans le sens où il y a énormément de talents sur ces sujets-là. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
- Merci. Denis Rapone?
- Je voulais vous demander, dans les valeurs cardinales du service public, on évoque de manière assez fréquente l'impartialité. Et ça a un lien assez étroit, ce devoir d'impartialité, qui se décline dans la loi de 86, elle l'exige, par une obligation de pluralisme, interprété récemment par le Conseil d'Etat comme un pluralisme qui recouvre l'ensemble des programmes de l'éditeur, en l'occurrence France Télévisions, et vaut pour l'ensemble des intervenants. Comment vous faites vivre cette obligation? Comment vous faites en sorte qu'elle puisse être respectée et portée dans votre proposition? - Au-delà des invités politiques, par exemple, le pluralisme doit être mesuré également quand on a des invités quels qu'ils soient, des chroniques. Alors je sais qu'en plus, il y a eu des discussions, et à mon avis, c'est quelque chose qui est dans vos discussions tous les jours, je pense qu'il y a quand même des choses évidentes, si on commence à être du côté du courant de pensée, ce n'est pas possible, mais vous l'avez spécifié, on ne peut pas demander aux gens pour qui ils votent. En revanche, pour un invité, une chronique, d'autant plus si c'est un chroniqueur maison, mais un invité, on l'invite sur un sujet précis. Et on est censé savoir un peu son point de vue. Sinon déjà, s'il n'y avait pas cette injonction du Conseil d'Etat, quand on construit un débat, on est censé quand même avoir l'idée de se dire: j'invite telle ou telle personne car elle a tel ou tel point de vue. C'est plus une histoire de points de vue d'une personne qui aurait une forme de notoriété, soit un chercheur, soit un expert dont on sait qu'il va amener tel ou tel point de vue. Je n'ai pas dit que c'était facile mais quand même, je pense que s'il y a ce travail, car c'est la seule chose intéressante, c'est de les multiplier, et qui doit se faire de toute façon quand on construit une offre de ce type, j'ai le sentiment que ça, si on réfléchit de cette manière...
- Comment, en termes d'organisation et de management, vous pensez pouvoir mettre en œuvre les principes dans le sens que vous avez évoqué?
- Et quel est le rôle que vous voyez pour les comités d'éthique par rapport à cet objectif?
- Alors justement, si on revient à cette histoire d'impartialité, me concernant, la première chose que je réaffirmerais, c'est que quand on est présidente de France Télévisions, on a une responsabilité éditoriale. Donc ça vous remonte quand même, que vous le vouliez ou pas. Donc ce qui est important, c'est qu'on soit garant du cadre dans lequel la liberté d'expression, l'indépendance des journalistes s'expriment. Car c'est quelque chose qu'il faut absolument protégé, mais c'est dans un cadre, légal ou autre. Donc je pense que ce serait une bonne chose qu'on se remette autour de la table, les uns les autres, pour repartager ce cadre. C'est-à-dire bien sûr qu'on est censé tous le connaître, mais moi, je suis extrêmement, et je l'ai vu dans d'autres endroits, il faut des garde-fous à tout et même à soi-même. Le premier garde-fou, c'est accepter de se réinterroger sur ses pratiques, c'est quelque chose qui protège. Donc je pense qu'arriver à se mettre d'accord sur un cadre lisible, compréhensible, d'éthique, et organiser des espaces d'échange, parce qu'il y a aussi cette fameuse zone grise quand même, elle existe dans tous les domaines, cette zone grise, quand on veut réguler autre chose que des médias de service public, ou qui ont des fréquences, on se pose la question de la zone grise. Pour moi, cette zone grise, c'est la zone où on s'interroge. On se parle. Il y a des sujets sur lesquels, en pratique, on discute pour savoir si c'est une bonne idée ou pas d'aborder ces choses. C'est tout un tas d'outils d'espace, temporel, et on essaie d'avoir des garde-fous et de se les appliquer à soi-même.
- Merci, nous avons atteint le temps imparti de cette partie de l'audition filmée. Nous allons passer à la partie des échanges à huis clos. Les caméras vont se couper. Ça demande un petit réglage de quelques secondes, une partie de l'assistance va quitter la salle. On va attendre deux minutes avant de reprendre.
- Bonjour. Prenez votre temps.
Nous pouvons commencer cette audition. Bonjour madame, chers collègues, en application de cette délibération du 11 mars 2025 relatives aux modalités de nomination de la présidence de France Télévisions, l'Arcom a décidé de procéder aux auditions de quatre candidats. Les candidatures à la présidence de France Télévisions sont évaluées sur la base d'un projet stratégique, et la base de décision se fonde sur des critères d'expérience et de compétences. Nous procédons à l'audition d'Irène Grenet, qui se déroulera en deux parties, une partie filmée et enregistrée d'une durée maximale d'une heure, destinée à la présentation de votre projet stratégique. Qui sera suivie d'un premier échange avec le collège. L'enregistrement sera accessible sur le site de l'Arcom à l'issue des auditions cet après-midi. Ensuite, une partie à huis clos, pour une heure également, en présence des membres du collège, du secrétaire du collège et du directeur général de l'Arcom. Le collège est composé de nominations de 8 membres, Antoine Boilley étant conduit à se déporter, car il était salarié de France Télévisions il y a moins de 3 ans. Madame Grenet, je vous laisse la parole pour 30 minutes jusqu'à 9h03. Et je me permettrai de vous signaler quand nous entrerons dans les 5 dernières minutes pour cette première partie de l'audition qui prendra fin à 9h34. Je vous laisse la parole.
- Merci Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les membres du collège, merci d'avoir retenu ma candidature. Comme je n'ai que 30 minutes, permettez-moi d'entrer directement dans le vif du sujet. La télévision a fait élire Kennedy. Les réseaux sociaux ont fait élire Donald Trump. Chez nous tout le monde a en tête les campagnes de désinformation l'an dernier sur les Jeux olympiques et paralympiques, 210 millions de vues, rien que sur X. On parle moins de la campagne incessante du Kremlin sur tous les thèmes qui peuvent diviser les européens pour faire passer l'Ukraine au deuxième plan. De leur stratégie d'essaimage de messages anti occidentaux. L'offensive russe se double désormais d'une autre pression qui mobilise toute la puissance de l'Amérique. Nous sommes entrés, brutalement dans une nouvelle époque, celle de la guerre de l'information, de la division des écrans, et aussi, en même temps celle du mur du déficit pour France Télévisions. Pour les JO, France Télévisions était là. La télévision publique, ce média vieillissant, a su attirer les jeunes, réunir la France autour d'un seul espace public, les JO, nos JO. Voilà ce qu'il s'agit de faire Mesdames et Messieurs. Mais pas une fois de temps en temps, en attendant l'hiver 2030, nos prochains JO, mais tous les jours. Ce n'est qu'à ce prix que dans cinq ans France Télévisions aura changé quelque chose dans la vie des Français. Mesdames et Messieurs, nous sommes en août 2030, dans 5 ans, la situation géopolitique nul ne sait ce qu'elle sera, la situation politique de notre pays non plus. En revanche, chaque Français devra pouvoir se dire que France Télévisions lui a apporté quelque chose. Le jeune de 20 ans qui en avait 15 en 2025. Entre temps, il aura acquis le droit de vote. Entre temps, alors que l'IA lui demandait: tu veux consommer quoi? Et non, tu veux consommer sur quelle plateforme, il se sera informé sur France Télévisions, éduqué, diverti grâce à France Télévisions, la plupart du temps sur son smartphone. L'ardéchois qui tapera Gorges de l’Ardèche et tombera sur le documentaire. La grand-mère qui communiquera sur whatsapp à la Réunion qui suivra le jeu sur Twitch. Chaque Français pourra se dire que France Télévision, qu'il finance lui-même, est là pour lui. L'âge moyen des téléspectateurs en linéaire est de 65 ans, en vieillissement de dix ans depuis vingt ans. Et la plateforme ne fait rajeunir cette moyenne que d'une dizaine d'années. Il ne s'agit pas d'aller chercher les jeunes pour chercher les jeunes. Il s'agit de recoudre l'espace public français, d'unifier, de réconcilier si l'on veut. Mais comment réconcilier quand on ne se croise plus? Les 15-24 ans passent deux fois plus de temps sur les réseaux que devant la télé linéaire, c'est un fait. En Chine, vous savez, on propose des vidéos culturelles, éducatives pour élever les jeunes Chinois, et laisser les autres, Américains, européens, s'abêtir sur TikTok. Voici le gouffre dont naissent les ingénieurs du chaos. Unifier, c'est l'intérêt général, et cela relève du service public. Seul l'audiovisuel public peut s'y atteler, lui seul a encore les audiences nécessaires pour faire contre-poids, lui seul n'est pas l'esclave des revenus de publicité, et même pas du transfert de valeurs publicitaires opérées au profit du numérique. Lui seul peut prendre les devants en défense de la création française, et lui seul peut prendre la question des plateformes sociales, qui tirent leurs revenus de programmes qu'elles ne financent pas. J'ai écrit un livre à ce sujet en 2022. Qui aurait pu anticiper l'ampleur de la crise vécue aujourd'hui, qui donne au service public son sens le plus pur, combattre les ingénieurs du chaos. C'est la deuxième fois que je reprends cette formule, elle est tirée d'un livre. En France, aujourd'hui, seule France Télévisions a les talents, les audiences et l'esprit public pour mobiliser. Cette tâche dépasse évidemment le seul homme ou la seule femme que vous choisirez pour la diriger. On ne réforme pas contre les gens. Mais ils peuvent se mobiliser pour une vision s'il la trouve digne et valable. C'est le sens de la transformation. L'intelligence artificielle n'est qu'un moyen. Ce qui manque à France Télévisions, Mesdames et Messieurs les membres du collège, ce n'est pas d'abord l'IA. C'est d'abord une vision. Une vision qui unisse journalistes et techniciens, animateurs et réalisateurs, une vision qui unisse jeunes et moins jeunes, téléspectateurs et tiktokeurs, qui unisse les territoires, rassemble les Français. La télé sans vision, si on me pardonne ce jeu de mots, c'est ce qui empêche les talents de s'exprimer, qui crée les crispations, qui opprime l'excellence dans une maison qui en regorge, pour y avoir travaillé tant d'années, je peux en témoigner. Cette vision je l'appelle l'esprit français dans l'information comme dans tous les programmes. Un esprit libre, pluraliste, ouvert aux raisonnements et débats, mais irrévérencieux, épris d'égalité, de liberté, de fraternité, mais aussi de culture, sans dogmatisme, ni cuistrerie. C'est l'esprit des Shadoks, c'est la transgression positive, le contraire de l'outrance qui domine dans les réseaux sociaux. La télévision publique doit être un rempart contre l'outrance, c'est aussi cela notre exception culturelle, qui doit rayonner dans chaque chaîne, chaque plateforme, chaque réseau, dans les réponses de l'intelligence artificielle. Cette vision est simple, concrète, pragmatique et audacieuse. France Télévisions doit parler à tous les âges, pas seulement aux Français de 65 ans aujourd'hui. Mais aussi à celles et ceux qui en ont 15, et qui en auront 20 en 2030. A tous les Français, aux trois blocs représentés au Parlement. France Télévisions ne doit pas avoir peur de la diversité, de la diversité des Français, évidemment, dont elle sera le miroir. De la diversité des producteurs, des auteurs, des genres de fiction, des territoires, des Francais, des syndicats, et même de la diversité des avis sur la pertinence de son utilisation de l'argent public. France Télévisions doit reconnaître que la contrainte budgétaire sera durable. Je le dis avec force, moi qui ai côtoyé si longtemps les comptes de France Télévisions, il faudra faire des choix. Soyons très clairs, faire des programmes de France Télévisions une variable d'ajustement contre le déficit n'est plus possible. Ces dix dernières années, la part du programme national a baissé de 133 millions, lorsque la masse salariale s'est envolée de 100 millions d'euros. Il est temps d'ouvrir les murs de France Télévisions, les vannes de la créativité, et non celles de la dépense. Il faut redonner la priorité aux contenus par rapport aux interfaces. Je veux rendre au programme national son niveau d'il y a dix ans, renforcer et sanctuariser le budget de l'information nationale. Des contenus résolument audacieux, inventifs, populaires, des contenus Gavroche qui parlent de tous les Français, de métropole et outre-mer, sur tous les écrans et tous les réseaux. Je veux protéger la création, en partageant avec les producteurs le fruit de leur travail, un nouveau pacte de création. France Télévisions doit toucher le maximum de Français, où qu'ils se trouvent. Je proposerai à nos confrères de TF1 et M6, d'accueillir les contenus de France.Télé. Ce serait un nouveau Salto non payant pour les Français, non coûteux pour France Télévisions, et gagnant pour tous. Enfin, France Télévisions doit mettre ses talents au service des autres pôles de l'audiovisuel public, pour accompagner le grand mouvement des podcast vers la vidéo, pour instaurer un dialogue amical de mobilisation commune. Ce qui se joue dépasse le simple cadre médiatique Mesdames et Messieurs les membres du collège, c'est de cohésion sociale qu'il s'agit. L'écoute conjointe, symbolisée par l'écran au milieu du salon ne suffit plus à rassembler les générations, ni à réconcilier les Français. Il faut surmonter la division des écrans. Ce sont nos formats, nos JT, nos jeux, nos programmes ultra-marins. La France en vrai, Un si grand soleil, France et environnement, qui doivent former un trait d'union entre les Français. Ils doivent détrumpiser les réseaux sociaux. Il faut se battre pour l'espace public et non le déserter. Voici comment. Commençons avec la marque. Un logo unique sur chaque image de chaque programme. France Télévisions a laissé le bleu, blanc, rouge à la première chaîne privée qui a eu raison de s'en emparer. Savez-vous ce qui a lancé le succès de la french tech? C'est le coq en origami. L'idée est équivalente. La marque, c'est une question de survie, à l'ère de l'IA, les éditeurs ne sont plus les seules portes d'entrée de leur programme. Ce qui émerge, c'est la marque, les marques programmes et la marque média qui les porte. En 2030, quand un citoyen verra le logo France accolé à un contenu, il doit savoir qu'il peut s'y fier. La BBC a réussi ce tournant, son sigle provoque un déclic de confiance quand on le voit. Aujourd'hui, France Télévisions n'existe pas comme repère dans l'esprit des Français. Demandez aux Français, malgré la grande popularité de ses programmes, elle est encore souvent confondue avec France 2. Regardez la différence, qui n'a jamais donné un surnom à France Télévisions. En revanche, France 2, France 3, France 4, France 5, qui forment un bloc en linéaire, sont des repères pour les Français. La marque, c'est une machine à récits. La première étape d'une stratégie de marque, c'est décider qui vous êtes, et le raconter. Qu'est-ce que la télé publique apportera aux Français dans cinq ans? La marque, ce n'est pas du vernis marketing Mesdames et Messieurs. C'est tout sauf trivial. Il ne s'agit pas de repeindre une enseigne. Il s'agit de refonder les valeurs communes de l'audiovisuel public. Parce qu'on n'imprime pas la marque de la France sur n'importe quoi. La qualité de l'investigation, l'honnêteté, le pluralisme, c'est l'excellence qui chassera par sa force la propagande étrangère et la désinformation climatique, historique. Je sais le rôle crucial qui sera celui du directeur de l'information, nous y reviendrons. L'excellence de la création, France Télévisions est la seule qui peut prendre le risque de l'ambition culturelle. Offrir ce terrain de jeu aux producteurs indépendants et aux auteurs. Il n'y a pas de sens à continuer à suivre ses performances sur le côté commercial, il faut abolir la logique de parts de marché pour France Télévisions. Permettez-moi faute de temps de ne pas revenir sur toutes mes propositions, mais de prendre seulement quelques exemples, pour redonner un souffle éditorial à France Télévision, opérer sa transformation numérique et technologique face à l'IA. Tout d'abord, il faut réaffirmer la centralité de l'information. France télévisions doit devenir le plus puissant instrument d'information pour tous les Français. Comment? Trois exemples, en augmentant de 20 millions d'euros les moyens dédiés à l'information, qui ne sont pas protégés comme ceux des œuvres, ce n'est pas normal. L'information, c'est moins de 13% du coût de grille, ce n'est pas assez. La qualité de l'information a un coût, c'est même les dernières barrières que les plateformes SVOD n'ont pas franchies. Il faut un programme d'éducation à l'information, investir dans de nouveaux outils sur l'IA pour viraliser. Aujourd'hui, 160 heures de reportage sont produites chaque jour par l’ensemble des rédactions. Certains ne sont même pas diffusés. Il faut faire de France info le laboratoire de l'information, il doit occuper tout l'espace public, la bonne information doit chasser la mauvaise. Les équipes Web seront renforcées. Nous aiderons les créateurs de contenu engagés dans l'information honnête. Par ailleurs, il n'est pas admissible que la puissance de cette marque ne rejaillisse pas sur la performance du nouveau canal 16. 0,8% d'audience pour la chaîne publique d'informations des Français. Après les élections législatives et présidentielles, il faudra évaluer si, aux yeux des Français, elle a réussi à faire la différence. Troisième exemple, dialoguer en continu avec les Français. C'est un point auquel je tiens beaucoup Mesdames et Messieurs les membres du collège. Nos téléspectateurs considèrent-ils que l'information est pluraliste, impartiale, indépendante? Le rapport à l'information de service public et à la désinformation doit être évalué en continu. Nos sociétés en Europe se déchirent désormais entre celles et ceux qui d'un côté veulent mener un combat pour l'information honnête, de l'autre, ceux qui se scandalisent d'un prétendu retour de la censure. Les écrans de France télévisions doivent être un rempart contre une prétendue liberté de désinformer. Mais aussi le contraire de la censure, toutes les opinions doivent pouvoir s'y exprimer. C'est le sens des principes de pluralisme et d'impartialité. Je déploierai des outils de reporting grâce à l'IA, avec publication en open data sur les fondements de la nouvelle régulation. J'attends beaucoup de la régulation de l'Arcom. Le deuxième pilier vise à redonner un souffle éditorial. Les rencontres du Papotin ont été la grande innovation sur ces dernières années. Il faut l'équivalent de dix Rencontres du Papotin par an. Il faut sortir l'audace de tous ces cloisonnements, sortir la culture de sa box. Qu'est-ce que cela veut dire? Trois exemples de nouveau. Les contenus étiquetés culturels auront droit de cité à toutes les heures et sur toutes les antennes, comme le cinéma qu'on peut rééditer en linéaire. Deux, les programmes moins élitistes où la fiction, la variété doivent être pensés pour contribuer à la culture de l'honnête homme. On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre disait Thierry Ardisson, c'est vrai, et cela demande beaucoup d'audace. Tous les genres seront testés. Merci aux producteurs qui partagent ces risques. Pour un Papotin, il y aura peut-être dix déceptions d'audience, mais tout sera testé en digital. Le prime accueillera les programmes prometteurs en ligne. Troisième point, ne pas casser la logique généraliste de nos chaînes. C'est vrai que c'était plus facile avant, quand la reine du foyer était allumée au milieu du salon. Apostrophe était regardée par tous les grands consommateurs télé, diplômés ou non, après la fiction du vendredi soir. Si on segmente les chaînes par genre, on n'aura aucune chance de tomber sur un magazine de découverte après son programme sportif. Faisons confiance à nos chaînes. France 3, chaîne de la vitalité culturelle et économique des territoires, France 4, chaîne de la jeunesse et de son audace, France 5, chaîne de la pensée complexe dans un monde incertain. Évidemment, nous redoublerons d'efforts pour ressembler à tous nos Français, la jeunesse de nos banlieues, les accents de nos régions, les talents des outre-mer. Dans une vision de diversité, toujours, l'inclusion sera la norme, pas l'exception. Évidemment, nous irons chercher tous les Français, au plus près d'eux. Nos régions ne seront plus reléguées au décrochage, elles auront pignon sur rue. Le troisième pilier à examiner concerne la transformation numérique et technologique de France Télévisions. L'ambition est claire, faire de France Télévisions le premier groupe audiovisuel numérique français. Et non seulement un groupe diversifié sur le numérique. Les contenus de France Télévisions doivent sortir des murs de France Télévisions pour rencontrer les publics, sur la TNT bien sûr, mais aussi sur les plateformes de streaming, les réseaux sociaux, demain, au sein des modèles de l'IA. Tout se passe en digital aujourd'hui même le sport. Regardons l'e-sport, à nous d'être plus puissants que les contenus abêtissants et dangereux. L'objectif prioritaire ne sera plus de maximiser l'audience d'une chaîne à 21h05. D'ailleurs, est-ce raisonnable de commencer tous les primes à 21h05, pour les Français qui se couchent tôt? L'objectif sera de faire accéder à nos programmes où qu'ils soient, les contenus d'abord, les supports ensuite. Pour y parvenir, il faudra adapter les façons de diffuser. Chaque programme doit être pensé à l'origine pour une diffusion multiplateforme. La part des contenus non linéaires devront atteindre 20%, contre 5% aujourd'hui. Les moyens internes deviendront les laboratoires d'une créativité tous azimuts. Un partenariat étroit sera construit avec l'Ina pour rester à la pointe en matière de data journaliste. France Télévisions deviendra une entreprise de contenus, et non de support. Pourquoi conserver une direction du numérique, quand il n'y a pas de direction de la télé? Passons à l'étape d'après. Pourquoi recourir à un prestataire externe pour l'animation vidéo du Festival de Cannes, formons nos talents internes. Il ne s'agit pas d'abandonner le public fidèle. Les chaînes linéaires ont un rôle central de caisse de résonance de ce qui fonctionne en ligne. Réfléchissons au phénomène Inoxtag. Il faut évènementialiser la vie des Français, multiplier les heures de direct. Je terminerai en vous disant comment je compte assurer cette mobilisation. Ces dernières années j'ai engagé la transformation dans le domaine qui était le mien, en rassemblant des compétences éparpillées, en faisant dialoguer des personnes, en donnant du sens. Cette première séquence est filmée, en m'adressant à vous, dans le cadre de cette audition, je serai entendue par l'ensemble des personnes travaillant chez France Télévisions, à Paris, en région, en outre-mer. Si vous me retenez, ce n'est pas moi, ce sont elles, ce sont eux qui feront la transformation de leur entreprise. Il est évident que cette démarche s'inscrira dans un cadre budgétaire contraint, je ne suis pas certaine que nous ayons la possibilité de continuer à investir massivement sur la plateforme France.TV si nous donnons la priorité aux contenus. Mais c'est le dialogue entre les Français, le financement de l'information, la fabrique de l'opinion et la démocratie française qui sont percutés avec une violence sans précédent. Le statu quo serait le plus grand risque. Ces défis sont si grands qu'ils me dépassent et combien, qu'ils nous dépassent tous sans doute, sauf si nous nous mobilisons ensemble. Dès ma nomination, je constituerai un conseil consultatif composé à parité d'hommes et de femmes issus de France Télévision, de journalistes, chercheurs, représentants de téléspectateurs, pour construire ensemble l'ambition commune. Dans les 100 jours, ce conseil consultatif rendra une recommandation, si elle est acceptée par les tutelles, elle permettra de convoquer en interne un conseil permanent de la transformation. Un processus de concertation original, en continu, pour faire vivre cette ambition pendant cinq ans. Je le redis encore une fois, la réussite de cette transformation ne tient qu'aux hommes et aux femmes qui font France Télévisions. Je veux être celle qui écoute les salariés. si nous regroupons certaines fonctions supports avec Radio France, ce sera toujours en concertation avec les équipes concernées. Si nous outillons les rédactions avec l'IA, ce sera pour valoriser leur travail. Je saurais constamment gré aux syndicats et instances représentatives de leurs alertes. Je veux être celle qui reconnaît la valeur des collaborateurs et qui la défend. France Télévision a besoin d'un plan Marshall de l'information professionnelle. Mesdames et Messieurs, pour finir, je suis une femme du service public. Je crois à la mission du service public qui est de changer concrètement la vie des Français. Je crois à l'exigence du service public, à son exemplarité. Chaque euro est-il dépensé à la hauteur du service rendu? Je crois au journalisme, je crois au pouvoir et à la responsabilité des industries créatives pour faire progresser la société. Je crois à l'innovation, à l'intelligence artificielle, quand elles sont portées dans le respect des valeurs sociales de l'entreprise. Je crois à la télévision si elle sert tous les Français. Et enfin, j'aime France Télévisions. S'il me reste une minute, Mesdames et Messieurs, il faut surtout que je vous dise combien je suis heureuse d'avoir eu l'occasion de vous présenter aujourd'hui ma candidature à la présidence de France Télévisions. Et peut-être, une dernière chose, je ne serai pas candidate à la tête de la holding si elle est créée. Je me présente devant vous pour diriger France Télévisions les cinq prochaines années, quel que soit le contexte institutionnel, et rien d'autre. Je vous remercie pour votre attention, pour votre confiance, et je serai évidemment heureuse de répondre à toutes vos questions.
- Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole à mes collègues pour les questions que votre présentation a pu susciter, pour une séquence de questions et de réponses qui nous conduira jusqu'à 9h34.
- Merci beaucoup, Monsieur le Président, merci de votre présentation. Je vais revenir sur une question que vous avez évoquée concernant les modalités d'accès au public de cette belle offre que vous nous présentez, on est dans un monde de multiplicité des écrans, des usages, cela sous-tend deux questions: comment préserver une offre éditorialisée, c'est-à-dire de sélection de contenu, alors que le public a l'habitude d'avoir accès à des offres très larges et pléthoriques, quelle que soit leur nature, le vecteur d'accès, qui peut être un réseau social ou une plateforme d'édition et de distribution, donc, comment faire? Et comment voyez-vous l'articulation entre édition et distribution avec des plateformes qui proposent de plus en plus une activité convergente, pour le public, ce n'est pas facile de distinguer? C'est vraiment ça qui m'intéresserait, merci.
- Merci, Madame. Sur le premier point, c'est effectivement un enjeu majeur, c'est une des difficultés absolument considérables: comment travailler un programme dans sa forme et dans son fond pour qu'il soit diffusable et accessible sans perdre finalement son sel, parce qu'on est dans de la création et de la création, c'est du forme et du fond, il n'y a pas l'un sans l'autre. Le projet que je porte là, c'est un projet qui est un projet de transformation précisément pour cette raison, parce qu'il y a au sein des gens de programme, des unités de programme de France télévisions, il y a déjà quelques personnes qui s'occupent de ces nouvelles écritures qui n'ont pas vocation à subvertir le fond des programmes, mais à les rendre accessibles pour différentes plateformes, il y en a, mais ce sont des nouvelles compétences, et c'est tout le sens de la transformation, tout le sens de la transformation. L'industrie audiovisuelle aujourd'hui, plus globalement que France Télévisions, au niveau international, peut-être, avec un peu de retard peut-être par rapport à d'autre industries, musicale ou autre, elle pense à un contenu qui doit être multidiffusé pour répondre à la demande de multiples communautés, comme on dit. Ces contenus doivent être modifiables, interchangeables, multimodaux, multiformats, mais ça reste un contenu. C'est toute la difficulté. Donc, moi, la proposition concrète que je fais, c'est de mettre toute la compétence numérique dans les programmes, dans les unités de programmes, et on oublie le numérique en tant que support, on n'investit plus dans le numérique en tant que support, ce n'est jamais du jour au lendemain, évidemment, on ne va pas éteindre la plateforme, ce serait de l'argent perdu, on ne va pas refaire un Salto, mais on a besoin de la plateforme bien entendu pour quelques années encore, mais l'avenir de l'audiovisuel, c'est celui-ci. Sur votre seconde question, l'articulation entre édition et distribution, aujourd'hui, France Télévisions a deux activités, elle a une activité d'éditeur et une activité de distributeur car aujourd'hui, la plateforme, et c'est une excellente chose, accueille de manière de plus en plus à une profondeur de catalogue avec des données qui sont celles de ses confrères, c'est une excellente chose, TF1 fait la même chose, car TF1 regroupe aujourd'hui les contenus d'Arte. Moi, ce que je propose, si vous voulez, c'est de globalement dépasser si je puis dire, mais évidemment, avec toute la modestie, et je fais une parenthèse et je reviendrai à la question, je parle d'une trajectoire, d'une ambition. Je me situe à cinq ans, dans mon projet écrit, à quinze ans, mais les choses vont très vite et comme il faut faire des choix, je force le trait, c'est un point important. France Télévisions n'a pas besoin d'une révolution, mais je crois profondément que ces transformations sont nécessaires. Pour revenir à cette question sur la distribution et l'édition, je pense que France Télé aujourd'hui, plutôt que de se penser comme un distributeur, doit se penser comme un éditeur, mais à l'heure de l'IA, ça existe déjà dans les moteurs de recherche, mais ce sera encore plus vrai demain, et donc, dans un an, dans quelques années, il doit promouvoir un contenu, il n'est plus le seul point d'entrée à ces contenus audiovisuels, d'où l'importance de la marque pour s'identifier, ne pas être invisibilisé, la marque programme, évidemment, et la marque du grand éditeur de service public. C'est un mouvement que je pense absolument inéluctable, Mesdames, Messieurs, absolument inéluctable. Sinon, on restera dans une situation dans laquelle, évidemment, on aura une belle plateforme si on investit massivement, massivement, massivement, mais même, je souhaite le plus grand succès aux plateformes de nos confrères de TF1 et M6, on sait très bien l'investissement majeur que cela représente. On sait très bien qu'il y a aussi derrière un élément bien rationnel de protection des revenus publicitaires, mais je pense que France Télévisions peut aller plus loin dans sa conception de l'éditeur de demain. On peut dire à l'ère de l'IA, mais même aujourd'hui, de l'éditeur, dans un monde numérique. Voilà.
- Je peux rebondir sur la question d'édition? Cette fois, c'est plutôt en n'ayant pas le regard derrière mais, aujourd'hui, les chaînes, je ne suis pas sûr d'avoir tout à fait compris si vous voulez réaffirmer leur caractère généraliste, et leur vocation de traiter de tous les thèmes ou si vous voulez leur redonner une identité propre et quelle est leur place dans France Télévisions, aujourd'hui et demain?
- Merci beaucoup, c'est très important si ce n'était pas clair. Il y a eu un mouvement extrêmement important et très bien fait d'identification de la personnalité, on pourra parler bien sûr des Outre-Mer, mais de nos chaînes. Simplement, là, ce que j'observe, c'est un petit peu un mouvement de balancier, à force de leur donner une identité extrêmement forte, on a segmenté par genres. Aujourd'hui, par exemple, il n'y a plus de fiction sur France 5, le documentaire, c'est 8% sur France 3. Si vous voulez... France 5, c'est la grande chaîne du magazine, voilà. Il me semble que tout en gardant absolument cette personnalité, cette ligne éditoriale de chaque chaîne, il est nécessaire de retrouver une forme de logique généraliste en multipliant, en diversifiant les genres au sein de chaque chaîne. Donc, la fiction doit revenir sur France 5, France 3 doit être une grande chaîne du documentaire. Le cinéma... Et donc, la différenciation, toujours dans le respect de cette ligne éditoriale qui a été travaillée, qui est inscrite d'ailleurs dans le cahier des charges, il s'agit de créer la différence véritablement sur un ton. C'est ce que j'ai essayé d'exprimer dans des formules qui sont forcément un peu à l'emporte-pièce dans mon exposé, mais je pense que c'est un travail très difficile, ce sera le travail du directeur des programmes et des antennes, mais j'y crois profondément. Pardonnez- moi de le dire, c'est ce qu'a fait Arte, c'est aussi une façon de démocratiser l'accès à la culture. Je parlais d'Apostrophe tout à l'heure, si on enferme la culture qui fait peur, même le terme fait peur, dans une chaîne de la culture, une chaîne du savoir, on prend le risque d'avoir une télé pour intellectuels, pour personnes qui aiment la culture. Par ailleurs, deuxième point de votre question, si je comprends bien par rapport à la marque, mon idée d'une marque ombrelle, c'est une ambition, si vous voulez, France médias. Bien sûr, il faut une marque. Si on arrive France médias, ce sera formidable, c'est déconnecté de l'idée de la holding. L'idée, c'est que cette marque ombrelle renforce les marques qui existent, France 2, les autres sont, sont des marques puissantes, mais elle peut aussi permettre de créer de nouveaux espaces, France médias environnement, etc. C'est un travail considérable sur plusieurs années, mais c'est la logique.
- Merci beaucoup. Romain Laleix.
- Vous avez évoqué la situation financière de l'entreprise dans des termes de gravité, mur du déficit, contraintes budgétaires durable. Dans le même temps, vous avez présenté vos ambitions et priorités en matière de programmes, avec la sacralisation du budget de l'information et de la création, quelles sont les pistes d'économies ou de ressources nouvelles que vous envisagez pour déployer votre stratégie tout en garantissant la soutenabilité financière de France Télévisions?
- Merci Monsieur. Effectivement, je peux évoquer ces points que je n'ai abordés qu'allusivement. Sur la question des charges, je ne vais pas spéculer sur la question des ressources publiques et je pourrai évoquer les ressources commerciales s'il le faut, je pense que ce qui est important, il n'y a aucun jugement dans ce que je présente là, mais de redonner les grandes lignes de force qui ont été celles des dix dernières années. Je l'ai dit, le programme national a perdu 133 millions, il est à 937 millions d'euros aujourd'hui, sa part dans le coût de grille global n'a jamais été aussi faible, 42%, c'était 51% en 2015. Dans le même temps, on sait qu'il y a eu des efforts sur la masse salariale, je ne le nie pas, mais l'évolution naturelle de la masse salariale de nos 8800 salariés aujourd'hui fait qu'elle a augmenté de 10%. Elle est à près de 1,08 milliard aujourd'hui. Ça veut dire que les efforts de productivité n'ont pas permis de sanctuariser le cœur de métier, les achats de programmes, et ils ont permis une stabilisation de l'information, et au sein du programme national, la sanctuarisation de l'investissement dans les œuvres s'est faite au détriment essentiellement du flux, et le flux, c'est ce qui fait vivre la télé linéaire. Le flux, c'est le direct. Le flux, c'est le divertissement, la variété, ce dont on a besoin pour rajeunir nos publics. Je vais évidemment répondre à votre question, mais c'est le cadre global qui a été mis en place et qui est une évolution mécanique. A partir de là, moi, mon projet, il vise à redonner la priorité aux contenus. Ça veut dire: redonner au programme national son niveau d'il y a dix ans, renforcer par ailleurs les moyens de l'information. Donc, qu'est-ce que cela veut dire? A très court terme, si on donne la priorité aux contenus, on la donne moins à la plateforme. La plateforme aujourd'hui, c'est entre 100 et 150 millions d'euros, c'est une perspective 150 millions, c'est plutôt 100 millions euros d'investissements aujourd'hui. Encore une fois, je rends hommage à ce qui a été fait, ce n'est pas une critique, c'est un fait. Je pense que dans l'état de l'industrie que je viens de décrire, ça ne doit plus être une priorité, en tout cas moins une priorité que les programmes. Donc, ça, c'est un premier point et ça peut se faire dès le budget 2025, il y a une marge de 120, 150 millions d'euros qu'on n'utilisera évidemment pas dans leur totalité, mais c'est du court terme et ça relève d'une décision de gestion. Il y a un deuxième aspect, qui est beaucoup plus compliqué, qui demande que l’État actionnaire soit d'accord. L’État actionnaire, c'est très simple, cette évolution de la masse salariale qu'on évoque, qui grignote petit à petit les programmes, ou bien il considère que la ressource publique va permettre de l'absorber, je ne sais pas, je ne le crois spas, mais il faudra le demander. Ou bien, il s'engage dans la transformation. Et qu'est-ce que ça veut dire la transformation? Ce sont ces fameux accords évoqués dans tous les rapports, l'accord de 2013, l'accord d'entreprise, l'évolution, le travail sur la productivité. Je ne l'ai pas mis dans mon programme, car je le connais, c'est un serpent de mer, en 2015, la Cour des comptes l'évoquait déjà. Je ne l'ai pas mis, car c'est un moyen, et surtout un accord ça se signe à deux. Donc, dire d'entrée de jeu, je vais réviser l'accord, c'est très documenté, on sait qu'il y aura des choses possibles à faire et nécessaires sur la polyvalence, ce sont des choses documentées. Mais l'autre enjeu, avec l'aval de l’État actionnaire, je ne l'ai pas eu, je n'ai pas parlé à l’État actionnaire, ce sera celui-là. Donc, donner la priorité aux contenus par rapport aux plateformes, et réfléchir à ce qu'on appelle cette intensité en masse salariale par genre, qui nécessairement devra avoir lieu, nécessairement. Voilà. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
- Tout à fait.
- Merci beaucoup Catherine Jentile.
- Vous avez commencé votre exposé tout à l'heure en parlant du danger de la désinformation venant de Russie et des ingérences pourrait-on dire des Américains aujourd'hui. Et vous avez dit que l'information serait l'alpha et l'oméga, avec une somme de 25 millions d'euros pour l'information. Au-delà de cette somme, quels sont les moyens que vous envisagez pour lutter contre les ingérences à l'approche des élections en France, et les moyens à mettre en œuvre pour respecter le pluralisme, en notant que vous avez parlé des trois blocs représentés à l'Assemblée nationale qui devront pouvoir s'exprimer sur les antennes de France Télévisions?
- Sur le premier point, j'ai eu un ton grave pour l'évoquer, mais je fais partie des citoyens qui est également mère de famille, car c'est une question encore une fois de canal de transmission. Évidemment quand on regarde le journal de 20h, on n'a pas ce risque de désinformation, et au contraire, on a une possibilité d'avoir un décryptage sur ce risque de désinformation. Le sens fondamental de mon projet, et dont j'ai tiré absolument toutes les conséquences, car ce n'est pas un projet simple de multidistribuer, c'est d'occuper l'espace public. Ce n'est pas une évidence du tout. On donne des contenus à des plateformes qui ne les financent pas. Il y a des problématiques évidemment de régulation. Il y a le DSA qui traite ces sujets. Mais le premier point fondamental, le sens de mon projet, c'est assumer, de proposer à l'Etat actionnaire, d'assumer qu'on a changé d'ère et qu'il faut occuper l'espace public et ne pas le déserter et que la bonne information chasse la mauvaise. C'est le cadre général. La deuxième chose c'est que l'IA, car quand on parle d'ingérence, beaucoup sont liées à l'IA, l'IA c'est le pire et le meilleur. Et je pense qu'il faut utiliser le meilleur de l'IA. L'IA dans le journalisme c'est énormément de choses, du traitement de données, mais aussi de la vérification. il faut se mettre ensemble sur le fact checking, qu'on ait ces outils de répondre par la technologie à ce que la technologie nous fait vivre dans ce monde de l'espace public fragmenté. Il y a un troisième point auquel je tiens beaucoup, et j'attends beaucoup des États généraux de l'information, ce sont les programmes d'éducation aux médias. C'est une des raisons pour lesquelles je veux augmenter les moyens de l'information. On me répond que c'est sympathique, mais qu'il y a ça, ça, et donc, il faut de l'argent. Il faut des priorités, et ç'en est une, les programmes d'éducation au média. L'éducation aux médias de l'information, ce sont des programmes, il faut l'inventivité des rédacteurs, des créateurs. Il faut travailler, ouvrir les murs auprès des créateurs de contenus. S'ils sont engagés dans la vérité, on peut les aider. Tout cela, c'est quelque chose à construire, c'est le monde nouveau. C'est un point fondamental. L'éducation aux médias d'informations, il y a le sens strict et pardonnez-moi, c'est le quatrième point peut-être, c'est tout ce qui a trait au développement de l'esprit critique. Ce n'est pas ce qui va nous faire répondre à la menace, mais au moins, si on a réussi à faire prendre conscience à nos concitoyens qu'il y a une menace, et qu'il faut réfléchir à la fabrication de l'information, c'est ça l'enjeu de l'EMI aujourd'hui, réagir... Vous avez fait un rapport qui est extrêmement clair dessus, sur le rapport des Français à l'information. Aujourd'hui, il faut des informations vérifiées. Et pour avoir confiance dans l'information, il faut une information vérifiée. On espère que ce chiffre de 80% de concitoyens qui considèrent que l'information doit être vérifiée, c'est déjà une bonne nouvelle. Le dernier point, c'est tout ce qui développe l'esprit critique. J'ai proposé la création de France médias éducation. Qui doit être ce Coursera à la française, qui permet de vulgariser l'excellence académique, vulgariser la science. Tout cela, c'est une façon de répondre à notre nouvelle époque.
- Il nous reste 10 minutes, j'ai trois questions, trois demandes de questions. Je commence par Benoît Loutrel.
- Merci Monsieur le Président.
- Il faudra des questions et des réponses concises pour tenir le timing.
- Je voulais comprendre comment vous voulez décliner l'offre de France Télévisions sur les réseaux sociaux? Une possibilité et de découper et de les remettre, mais jusqu'à quel point voulez-vous faire une offre originale directement dans le codes, de les formats d'écriture des réseaux sociaux? Est-ce que vous allez jusqu'à imaginer des incarnations différentes? C'est-à-dire pas les mêmes journalistes, mais des journalistes spécialisés à parler le style des réseaux sociaux? Comment voyez-vous cette occupation de l'espace que vous appelez de vos vœux?
- Je pense qu'il y a deux choses quand on parle de programme délinéaire. il y a une différence que l'on peut faire, proposer en tout cas pour France Télévisions par rapport à celle de ses confrères du privé. Aujourd'hui, comment ça se passe un programme délinéaire sur une plateforme? Ça vaut pour beaucoup de nos confrères et pour France Télévisions. On prend un programme qui a une double exploitation...
- Pardon, j'étais plus sur l'information...
- Oui, tout à fait, j'y viens. En fait, il n'y a pas d'écriture nouvelle. C'est très important d'avoir ça, c'est le fondement de la justification économique de la différence que je propose. Ce n'est pas un coût supplémentaire en termes de production. Et ce n'est pas non plus, ça ne nuit pas, il n'y a pas de risque de percuter la dynamique des ressources publicitaires classiques, et non plus digitales. C'est le cadre global dans lequel on est aujourd'hui. Ça vaut pour les plateformes, ça vaut pour une duplication absolue du programme linéaire en programme digital. Il faut continuer. Là encore, je ne veux pas donner l'impression de caricaturer de passer d'un monde à l'autre. Je propose d'augmenter le montant des programmes digitaux qui sont à 100 millions d'euros aujourd'hui, je propose que ce soit 20% du coût de grille. Il y a une petite marge. Aujourd'hui, effectivement, que ce soit dans l'information, mais ça vaut dans les programmes, faire un nouveau programme à partir d'un contenu, c'était la question à laquelle je répondais précisément, c'est un métier. C'est une écriture qui doit par différentes techniques que je suis bien loin de maîtriser, couper un programme, garder la substantifique moelle et le contenu, mais pour l'adapter. Et je pense, pour répondre à cette différenciation avec le privé, car elle est très importante, que France Télévisions peut se permettre de le faire. Après, concrètement, c'est soit un programme 100% logique, un jeu très bien fait, un magnifique jeu. Il y a une déclinaison en jeu vidéo, il faut le mettre sur Twitch, c'est une nouvelle écriture. Ou bien, le live, c'est une matière extrêmement vivante pour ça, mais ça peut se faire sur le documentaire, ça peut se faire sur les œuvres. C'est une question de création. Et quant aux incarnants, il n'y a pas de raison... On ouvre, c'est à nous d'être les incarnants, les nouveaux incarnants. Et si on les fait venir, c'est très bien. Ce qui compte c'est l'éditorial.
- Merci. Bénédicte Lesage.
- Je vais être rapide, vous affirmez la nécessité pour France Télévisions d'avoir des engagements sociétaux forts, à hauteur de sa responsabilité de service public. Pourriez-vous nous indiquer plus précisément comment vous imaginez porter l'ambition de la transition écologique d'ici 2030 en termes de réduction d'émission des gaz à effet de serre pour l'entreprise, et de RSE? Et aussi en termes de programmes et de contenus pour informer, sensibiliser et mobiliser le public dans la transition écologique? - Il nous reste trois, quatre minutes.
- Je vais essayer de répondre rapidement, c'est un sujet absolument essentiel, merci pour cette question, c'est un sujet très important pour moi sur lequel j'ai beaucoup travaillé, et je travaille beaucoup, dans le cadre des contrats Climat, etc. Il y a ce volet de notre empreinte environnementale, et l'autre sujet auquel je tiens énormément, qui est plus que notre responsabilité d'entreprise publique, c'est notre capacité à créer des imaginaires, à informer sur des sujets complexes, mais aussi investir tous les genres, la fiction, pour créer un imaginaire. Le premier point extrêmement concrètement, je crois que vous avez aussi rendu un rapport avec l'ADEME et l'Arcep, on se rend compte que la télévision, c'est 52% d'empreinte carbone des usages audio et vidéo, donc, il y a un sujet qui est quand même assez fondamental, c'est qu'il y a beaucoup d'éléments qui sont liés aux terminaux. On peut avoir une prise, et je pense qu'il faut engager une discussion avec les constructeurs, Samsung, Panasonic, je les ai beaucoup côtoyés quand j'étais à la régie publicitaire, il faut engager des discussions, négociations, et France Télévisions a des engagements par rapport à l'Accord de Paris, il faut tendre à l'écoconception généralisée. On a beaucoup travaillé avec Ecoprod. Je travaille dans une industrie aujourd'hui, j'ai peu de temps, mais ce sont des sujets importants, je pense que l'industrie audiovisuelle est assez mature, je travaille avec une start-up qui met en place des liens avec les ressourceries, et la mise en place du calcul carbone, qui est fondamentale. Deuxième axe, toujours sur cet aspect de l'empreinte environnementale, bien entendu, ce sont nos usages digitaux. Je ne suis pas d'ailleurs pas sûre que l'hyper distribution soit néfaste dans un contexte de sobriété. Mais en attendant, j'ai proposé dans mon rapport d'en faire un axe de discussion avec nos confrères de l'audiovisuel public, le mode éco, ne pas lancer immédiatement une vidéo, un mode d'éco par défaut, il y a des choses qui existent, il faut calculer, c'est un enjeu fondamental d'entreprise, il faut que ce soit dans les objectifs des dirigeants, il faut de la formation des salariés, des journalistes, c'est totalement fondamental. Je regrette de ne pas y avoir pu passer plus de temps faute de place dans mon rapport. Le deuxième aspect, très vite, j'y crois énormément, c'est la responsabilité des industries créatives, c'est vraiment l'objet du livre que j'ai écrit sur ce sujet-là. Ce que je propose, très concrètement, c'est d'utiliser l'outil de l'observatoire des médias sur l'écologie, il y a certaines des contestations, j'ai compris qu'on peut toujours remettre en cause des calculs, ils calculent le volume d'antenne consacré à l'environnement, je crois que ce n'est que dans l'information, il faut que ce soit partout. Les fictions, une magnifique fiction sur France Télévisions, pour moi, elle fait énormément sur l'environnement. Il faut calculer le temps d'antenne, tout simplement. L'observatoire des médias sur l'écologie nous donne un outil, je propose de l'utiliser, de le piloter.
- Merci beaucoup, nous avons épuisé le temps consacré à cette première partie de l'audition qui est enregistrée. Merci pour votre présentation et vos réponses, nous allons passer à la deuxième partie de l'audition à huis clos.
Projet stratégique du candidat M. Jean-Philippe Lefèvre.
Audition du candidat M. Jean-Philippe Lefèvre :
- Prenez le temps de vous installer.
- Je vous remercie.
- Je suis prêt.
- Nous allons commencer dans quelques instants. Nous pouvons donc commencer l'enregistrement, bonjour Monsieur, chers collègues, en application de sa délibération du 11 mars 2025, relative aux modalités de nomination à la présidence de France Télévisions, l'Arcom procède à l'audition de quatre candidats, dans un ordre de passage tiré au sort. En vertu de la loi du 30 septembre 1986, les candidatures sont évaluées sur la base d'un projet stratégique, et les nominations se fondent sur des critères d'expérience et de compétences. Nous procédons à 11h à l'audition de Jean-Philippe Lefèvre, qui se déroulera en deux parties. Une partie filmée est enregistrée d'une durée maximale d'une heure, destinée à la présentation du projet stratégique. Vous disposerez de 30 minutes. Présentation suivie d'un premier échange avec le collège, dont l'enregistrement sera accessible sur le site de l'Arcom cet après-midi. Cette partie sera suivie d'un échange à huis clos, avec le collège, en présence du secrétaire du collège et du directeur général de l'Arcom, pour une durée maximale d'une heure également. Le collège est composé pour cette procédure de nomination, de 8 membres, Antoine Boilley étant conduit à se déporter de cette procédure, en application des règles de l'Arcom, car il était salarié de France Télévisions il y a moins de 3 ans. Il est 11h01, je vous laisse la parole pour 30 minutes maximum, et je me permettrai de vous signaler qu'il reste quelques minutes quand nous approcherons de la fin du temps imparti.
- Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du collège de l'Arcom, Mesdames et Messieurs, je ne suis pas ici pour candidater, je suis ici pour m'engager. Pas pour communiquer, convaincre, ou séduire. Mais pour affirmer un engagement total, profond, inaltérable. L'engagement est la colonne vertébrale de mon projet, il est le socle de ma démarche, l'horizon de ma vision. Et c'est à mes yeux le minimum, quand on ambitionne de diriger un groupe aussi essentiel à la République et aux citoyens que France Télévisions. Je parle ici d'un engagement pour une profession, pour tous ces métiers de l'audiovisuel qui chaque jour, éclairent, racontent, relient, ces métiers qui informent, qui créent, qui font démocratie. Comme l'a dit la journaliste Christiane Amanpour, le journalisme est le remède à la tyrannie. Chaque année des journalistes sont menacés, censurés, emprisonnés. Et pourtant, ils continuent, ils persistent, car le journalisme, les médias, le service public, ne sont pas un luxe, ils sont une nécessité vitale, une digue contre l'effacement du réel, un pilier des sociétés libres, un acte de résistance, un engagement. Diriger France Télévisions, c'est prendre part à cette résistance, faire de chaque image un acte de service public. C'est défendre le droit de savoir, de comprendre, de s'émouvoir et imaginer ensemble. C'est refuser les logiques de replis, les enfermements algorithmiques. C'est faire de France Télévisions un média et un outil démocratique, un espace de lien, un levier d'émancipation. C'est affirmer avec force un humanisme actif et concret, celui qui place la dignité humaine, la raison, la liberté de conscience, et la fraternité au cœur de toute action. Un humanisme fidèle à l'esprit des Lumières, la laïcité républicaine, aux idéaux de justice sociale. Un projet porté car la France est riche de toutes ses composantes, une France faite de tradition, de mémoires et horizons multiples, diasporas, nouvelles migrations, une France de toutes les origines, les cultures, les identités. France Télévisions doit devenir le premier média public européen de l'accessibilité, le moteur de l'excellence journaliste et de la création, le catalyseur d'un imaginaire commun. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du collège de l'Arcom, en 2024, pour la 8e année consécutive, le handicap a été la première cause de discrimination enregistrée en France. Et dans les médias audiovisuels, la représentation des personnes en situation de handicap reste marginale. Seulement 1%, 1% des visages à l'écran, alors que 15 à 20% de nos concitoyens portent un handicap visible ou invisible. Ce n'est pas un oubli, c'est une fracture, et dans un service public, ce n'est pas acceptable. Je propose un plan Marshall pour l'accessibilité, faire de France Télévisions le groupe audiovisuel le plus inclusif d'Europe d'ici à 2030. Un projet structurant, humain, fondé sur la technologie, et porté à l'échelle européenne. Premier objectif, 100% des programmes accessibles à 100% des publics sur 100% du territoire. C'est aussi une réponse à un impératif démocratique. Je souhaite pour cela une révolution technologique au service de l'humain. Toutes les avancées récentes seront mises au service de l'accessibilité. Je veux une accessibilité pensée pour les troubles Dys, ils concernent près de 10% de la population. Le groupe Canal+ a ouvert la voie avec des sous-titres adaptés aux personnes dyslexiques. Nous irons plus loin. Nous proposerons des sous-titrage accessibles avec des contrastes, des infographies, des animations pédagogiques. Je souhaite une navigation totalement repensée pour les handicaps moteurs et neurologiques. Nous généraliserons le mode main libre et eye tracking. Je souhaite m'adresser à toute l'entreprise France Télévisions. L'accessibilité ne doit pas être une option, elle doit devenir un réflexe. 100% des équipes seront formées d'ici à 2030. Une grille d'accessibilité deviendra obligatoire pour tout nouveau programme produit par France Télévisions et des producteurs extérieurs. Je souhaite créer un conseil citoyen de l'accessibilité, réunissant les usagers, les chercheurs et les associations. L'ensemble des plateaux de France Télévisions seront accessibles. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Je demanderai le même effort à nos partenaires extérieurs qui souhaitent continuer à produire pour France télévisions. Et nous fixerons un cadre pour l'OETH, je souhaite dépasser les 10% d'ici à 2030. Je propose la création d'une plateforme commune de recherche sur l'accessibilité audiovisuelle, plateforme européenne, portée par France Télévisions, avec l'ensemble des acteurs publics, mais aussi, des acteurs publics, car ce plan Marshall est une cause qui nous dépasse et doit transcender le service public et le service privé. L'accessibilité ce n'est pas seulement une question d'outils, mais une question de regard. Aujourd'hui, les personnes en situation de handicap sont encore trop souvent invisibilisées à l'écran. Nous devons les rendre plus visibles, plus de présentateurs, d'experts, de personnages en situation de handicap dans nos fictions, nos émissions jeunesse. Plus de récits incarnés, réalistes qui changent les représentations du handicap dans la société. Ce plan Marshall pour l'accessibilité ce n'est pas un supplément d'âme, il est le cœur d'un service public moderne, un média dans lequel chacun peut comprendre, apprendre, ressentir, participer, avec la même dignité et les mêmes droits. Si je deviens président de France Télévisions, ça ne sera pas une promesse, mais une norme, un réflexe, un cap. L'accessibilité concerne évidemment toutes les générations. C'est le point transgénérationnel. Et parmi ces générations, il y en a une dont je vais parler aujourd'hui, la nouvelle génération. Il faut être tout à fait lucide, aujourd'hui les jeunes ne regardent quasiment plus la télévision linéaire, en dehors des grands évènements sportifs et d'émissions, qui je vous le dis ici, ne se trouve pas sur France Télévisions. Ils consomment de la vidéo sur YouTube, Twitch, insta. Le monde a totalement basculé. Si France Télévisions ne précède pas ce basculement, le service public sortira du radar d'une génération entière. Et comment imaginer l'avenir de France Télévisions sans cette génération, je ne peux l'accepter. Ma priorité est de refonder le lien entre France Télévisions et les nouvelles générations, de créer des passerelles transgénérationnelles. Nous avons un socle solide, l'Umni, plateforme éducative gratuite, il faudra continuer à la développer, en pensant territoire, accessibilité. Il faut aller bien plus loin. Dès 2026, je souhaite lancer un grand tour de France de l'éducation aux médias, en partenariat avec le Clemi, l'Arcom, et l'ensemble des associations représentantes des villes et villages français, l'AMF, l'Arf, l'ADF et l'association des petites villes rurales de France. Je souhaite aller dans les quartiers, dans les lycées, les collèges, sur les places de villages, pour mieux appréhender les deux grands rendez-vous des élections municipales de 2026, et les élections présidentielles de 2027. Car l'éducation, ce n'est pas un supplément d'âme comme l'accessibilité, c'est un levier démocratique. En parallèle, je souhaite créer sur France.tv l'application mobile check. Elle permettra grâce à l'intelligence artificielle de screener, prendre en photo un programme du service public, et d'en avoir les informations. Aujourd'hui, l'ensemble des diffuseurs donnent des informations aux programmes sur les résumés, sur les journalistes qui ont travaillé, sur les tenants et aboutissant, je souhaite que d'un clic, n'importe qui puisse avoir accès à cette information. Je propose de bousculer et faire rayonner France4, qui devient France4 play. Je garde le nom qui est un repère du service public, d'autant plus avec la décision d'attribuer le canal 4 de la TNT à France4. J'y ajoute le "play" pour les jeunes, pour les usages numériques. C'est une chaîne totalement hybride, nouvelle génération, pensée dès le départ pour l'ensemble des plateformes, TikTok, Twitch, Instagram. France4play sera une chaîne, mais au-delà un espace de création, une plateforme vivante. C'est la première agora où le service public réunira la nouvelle génération. Avec le playshow, direct interactif sur la télévision et les réseaux sociaux, autour de formats 100% hybride, comme playgamers, consacré aux 35 millions de Français, avec une parité totale, qui jouent aux jeux vidéo. Playarena pour les fans de sport en France. Playscapegame, pour rejoindre les centaines de milliers de jeunes qui vont faire des escapes games sur l'ensemble du territoire français. France4play, ce n'est pas une télévision pour les jeunes, mais une télévision avec eux. Et derrière tout cela, une conviction, le service public doit devenir un levier d'émancipation. Donner aux jeunes les moyens de comprendre, de choisir, mais surtout de prendre la parole. J'ai évoqué l'accessibilité, la jeunesse, c'est évidemment pour moi sur l'ensemble des territoires. Ces territoires font partie de mon ADN personnel et professionnel depuis toujours. J'ai depuis de nombreuses années, grâce à mon expérience à Public Sénat, la compréhension de ce que sont les 36000 villes et villages de France. Ces territoires, ce ne sont pas que des noms, des lois, des strates administratives, de Verdun, au parc régional du Perche, de Marseille, les territoires, cela se respecte. Et quand chaque matin, dans les écrans de France 2 et France info, quand pour le grand rendez-vous du 20h de France 2, vous ne voyez dans les écrans que Paris, cela me pose un problème. Quand les deux grands rendez-vous régionaux de France 3, le 12-13, et le 19-20 débutent aux alentours de 10h17 et 19h15, créant une grande confusion, ce n'est pas sérieux. Il me semble qu'ils commencent à quelques secondes près à l'heure. Nous ne pouvons pas incarner le service public de tous les Français si nous marginalisons leurs territoires jusque dans notre propre horloge. Si nous voulons retisser le lien démocratique, cela passera par les territoires. La première initiative, c'est Francetv.territoire, qui permettra à la presse quotidienne régionale, aux médias associatifs, dans un contrat cadre, d'accéder gratuitement à certains de nos programmes sur un couloir de diffusion précis, avec un logotypage pour que France Télévisions soit bien présent. C'est une stratégie de partenariat éditorial fort. Je n'ai pas sous les yeux les contrats des 8 formidables et nécessaires documentaires diffusés il y a deux semaines sur France 2 concernant les procès Barbie, Papon et Touvier, mais ces documentaires vont au-delà du service public. Ils devraient être diffusés pour l'ensemble des Français. Je souhaite évoquer les outre-mer comme pilier stratégique. Et permettez-moi une pensée émue pour mon amis Luc Laventure disparu il y a quasiment trois ans. Avec France Outre-mer studio, je souhaite créer des incubateurs locaux pour chercher les talents, quels qu'ils soient, pas uniquement pour alimenter l'antenne des premières, mais l'ensemble du groupe France Télévisions. Je souhaiterais un ruissellement de ces talents, les voir sur l'ensemble des plateformes. Je souhaite une mobilisation plus forte des outre-mer, aujourd'hui, on ne voit pas grand-chose, surtout en version multilingue. Je vous le dis ici, je ne serai pas un président parisien, ne m'en veuillez pas de dire ça, moi qui vis depuis si longtemps à Paris, mais cela irait à l'encontre de mon chemin professionnel. Je tiendrai une permanence décentralisée dans une station locale, ouverte à l'ensemble des personnels, aux acteurs de la vie locale, et nous irons à la rencontre des lycéens et collégiens, notamment dans le cadre du tour de France que j'ai évoqué. Tous les trois mois, je souhaite que l'ensemble du groupe dédie une journée entière à une ville, un territoire, un quartier, en partenariat avec l'APQR, les médias locaux, c'est le rôle de France Télévisions de faire vivre cette France multiple et diverse. 24h de programme avec un 20h délocalisé, suivi de magazines, de talk shows, et de ce que j'ai imaginé comme Les nuits blanches de France télévisions. Qui seront en partenariat avec les magazines, avec l'Ina, pour redécouvrir les richesse d'un territoire. La France c'est aussi ce drapeau sans frontières qui rayonne dans le monde entier. J'ai appris la semaine dernière que le groupe Canal+, a un partenariat avec le groupe Air France, je souhaite que France télévisions fasse de même pour aller au-delà de nos frontières. Nous avons un patrimoine linguistique exceptionnel, des langues parlées dans l'hexagone et l'outre-mer. C'est une richesse culturelle majeure, mais parfois invisibilisée ou menacée. Je souhaite créer un magazine pluriplateforme, pluriformat, qui va s'appeler mots d'ici. Ils mettront en lumière une langue régionale. Il sera incarné par la nouvelle génération issue des territoires, connectée, engagée. Ce sera un pont entre les cultures locales et les usages numériques. Et pour donner encore plus de visibilité à ces langues, France Télévisions deviendra partenaire du camion des langues de France qui sillonnent les territoires pour transmettre ces langues. C'est dans les territoires que se joue l'avenir démocratique, la représentation culturelle et le rayonnement international. Après l'accessibilité, la jeunesse, les territoires qui sont les fondements de notre projet de service public, vient une question centrale, comment financer cette ambition? Comment donner à France Télévisions les moyens de tenir ses engagements sans fragiliser son indépendance ou sa vocation universelle? Un budget dans un groupe public n'est jamais neutre. C'est un acte politique. Il dit ce qu'on protège, ce qu'on développe, et ce qu'on est prêt à transformer. On ne gère pas un média public comme une entreprise privée, on le pilote comme un bien commun. Le constat est clair, en 2025, France Télévisions arrive au bout d'un cycle. Faut-il ralentir la transformation? Non. Il faut changer de matrice. Plusieurs leviers que je vous propose aujourd'hui. Le premier, la publicité segmentée. En 2024, elle a représenté 1,4 milliards de fonds publicitaires. Il y a l'arrivée de l'opérateur Free et le chiffre va continuer d'augmenter. C'est un modèle plus éthique, plus responsable, car il renforce le lien avec les territoires. Il améliore aussi la transparence, et permet un ciblage utile, et un meilleur retour sur investissement. L'objectif est de doubler les revenus issus de cette publicité segmentée, tout en respectant l'ensemble des contraintes et des lois qui gèrent la publicité sur France Télévision. TF1 a franchi en 2024 les 146 millions d'euros de recette publicitaire. M6+, quasiment 100 millions. France.tv reste marginale. Elle doit devenir la plateforme centrale du service public, avec des replay enrichis, des contenus exclusifs, des podcast, des reacts, comme les apprécie la nouvelle génération. Et je souhaiterais sur certains de nos programmes, que l'ensemble des documents produits soit en primo diffusion. C'est une stratégie d'investissement à 360, indispensable pour prolonger et surtout enrichir l'offre publique. Le troisième levier, c'est renforcer la dynamique de France TV studio. Aujourd'hui elle produit des fictions, des programmes jeunesse, des évènements spéciaux, on doit développement beaucoup plus de contenus exportables. France TV studio doit devenir un modèle de rayonnement et de financement. Valoriser nos contenus, c'est valoriser notre mission. Le quatrième levier c'est investir tous les écrans, YouTube, TikTok, Instagram, les nouvelles smart TV. 95% des télévisions Samsung seront en totale intelligence artificielle, la bataille se joue partout, et à tout heure. Il faut y être avec les formats natifs, mais aussi avec des nouveaux formats. L'heure n'est pas à la timidité, elle est à l'audace publique. Et tout cela dans le cadre du DSA, dont l'Arcom et la Dgccrf a la responsabilité de la mise en place en France. Cela va devenir un outil supplémentaire pour garantir un accès fiable, sécurisé, et surtout pluraliste de l'information. Le cinquième levier c'est une mobilisation collective et une mutualisation responsable. L'audiovisuel public ne peut plus fonctionner en silo. France Télévisions doit proposer une dynamique de mutualisation raisonnée avec l'ensemble de ses partenaires publics. Mutualiser nos équipements, nos ressources numériques, et nos moyens logistiques là où c'est pertinent. Cela permettra de dégager des marges de manœuvre, réinvestis intégralement au service de la création et des publics. Je propose aussi, je le dis ici, de mutualiser certains pôles comme la communication, pour être beaucoup plus fort. Le numérique, l'accessibilité, qui nous dépasse. Nous devons penser demain, et c'est urgent, il faut le faire aujourd'hui. Cet effort partagé garantira à la fois l'efficacité budgétaire et la puissance éditoriale des services publics. Le service public doit être exemplaire, plus agile, plus solidaire, plus stratégique. Le sixième et dernier levier, c'est une gouvernance d'investissement. Aujourd'hui, 86% du budget provient des ressources publiques. Les ressources propres plafonnent, les mutualisations internes restent trop faibles. Dès cet été, je souhaite un audit rigoureux par pôle, afin de réajuster les priorités et faire du futur budget un budget de refondation, afin de dessiner les grandes priorités du groupe. Chaque euro dépensé devra être un euro investi pour l'accessibilité, pour la création, pour les territoires, et dans le respect d'une charte environnementale d'éco production ambitieuse. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du collège de l'Arcom, Mesdames et Messieurs, le service public, ce n'est pas un héritage à gérer, c'est un élan à renouveler. Je porterai cette mission avec exigence, rigueur, mais aussi avec feu et passion. Parce que je viens des territoires, parce que j'ai grandi avec la télévision comme fenêtre sur le monde. Parce que je sais ce qu'elle peut changer dans une vie. Je souhaite un média qui parle à tous les Français, sur tous les territoires. Et je vous le dis avec gravité et avec foi, si vous me confiez cette responsabilité, je ne serai pas seulement un président, je serai surtout un combattant du service public, un président d'action, d'ancrage, de passion, pour tous les publics et tous les territoires.
- Merci beaucoup pour cette présentation. Nous allons maintenant passer à une série de questions de la part des membres du collège. Je vais commencer par donner la parole à Juliette Théry.
- Merci Monsieur le Président, merci de votre présentation. J'ai une question par rapport à la stratégie de distribution de l'offre de service public que vous envisagez, dans un monde de multiplicité des usages, des écrans, et qui conditionne aussi l'accès de l'offre du service public à la jeune génération. Est-ce que vous pouvez développer ça? Sachant que les habitudes changent très vite. Et que la difficulté qui peut se poser pour le service public, c'est d'avoir des contenus d'offre, et pas forcément qui répondent à une demande d'une part. Et par ailleurs, une offres de sélection de programmes et qui ne répond pas forcément à une habitude d'accès à une offre très exhaustive. Je vous remercie.
- Je vous en prie, je vous remercie pour cette question Madame Théry. Je vous l'ai dit à la fin de ma présentation, je ne serai pas qu'un président, je serai un combattant, pour combattre afin de donner un avenir pérenne au service public, dans tous les domaines que j'ai évoqués, il faut être sur l'ensemble des champs de bataille. Je ne veux pas imposer un discours guerrier, mais vous expliquer ma vision claire sur ce qu'est aujourd'hui pour moi le paysage audiovisuel. Je suis né en 1977, j'ai connu la fin des programmes en noir et blanc le samedi soir sur FR3 à l'époque. Aujourd'hui, je peux parler à ma télévision et lui demander par exemple un film d'action. Le monde a totalement changé, et a emporté plusieurs générations qui ne se retrouvent pas, car elles ont vécu chacune différemment l'évolution de la télévision. C'est pour ça qu'aujourd'hui, pour moi, le groupe France Télévisions dans toute sa diversité et toute sa richesse, avec les 8543 personnes qui aujourd'hui font la richesse du groupe, et bien sûr les personnes qui travaillent dans des sociétés extérieures pour le service public, nous devons comprendre ces générations. Pour les comprendre, il faut aller partout où elles sont. Je pourrais me cantonner à vous dire, je ne développe que France.tv. Et nous allons abandonner tous les logos qui font les repères du public. Cela ne m'intéresse pas. Ce que je souhaite, c'est que demain, l'ensemble des publics se retrouve sur les programmes du service public. Pour moi, la création et la distribution de nos programmes doit être native par rapport aux plateformes que l'on vise, et d'ailleurs, c'est dans le cadre de ce que doit être le service public, car nous devons nous adresser à l'ensemble des publics. Et d'autre part, ne pas abandonner aux autres, je dis aux autres, aux acteurs du privé, qui, ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, car l'Arcom travaille énormément dessus, qui depuis 15 ans se sont tellement renforcés, ont tellement grandi, et finalement ont tellement pris la place parfois de ce que doit être le service public. Il y a un point où je ne vous rejoins pas forcément, il y a des émissions sur d'autres chaînes, d'autres groupes qui devraient être sur le service public. Il y a des engagements sur par exemple la diversité, il y a des engagements sur les territoires qui ne sont pas sur le service public aujourd'hui, mais qui sont sur TF1, Canal+ ou M6. J'ai travaillé comme producteur avec Canal+ sur un programme, le lexique du dyslexique. Des programmes courts pour s'adresser aux enfants qui vivent leur quotidien avec une forme de Dys. Pourquoi c'est sur Canal+? Ça devrait être sur France télévisions. Je souhaite reconquérir ces publics chercher tous les Français un par an. Et surtout ceux qui considèrent aujourd'hui que le service public ne sert à rien, que ça coûte trop cher et qu'il faudrait le supprimer. Ces gens, je leur tends la main. Vous allez vous y retrouver avec une diversité de programmes qui vous concernent aussi au quotidien. Voilà la philosophie que j'ai des programmes et la distribution des programmes pour le service public. J'espère avoir répondu.
- Romain Laleix.
- Merci, vous ouvrez votre programme stratégique par l'enjeu budgétaire. Le budget a été approuvé avec plusieurs dizaines de millions d'euros de déficit. Vous dessinez un équilibre avec une augmentation des ressources commerciales de l'entreprise. Plusieurs questions. La première, pensez-vous que les évolutions que vous envisagez en matière de ressources publicitaires sont conformes aux missions de service public de France Télévisions? Et deuxièmement, au-delà des mutualisations évoquées tout à l'heure, quelle piste avez-vous identifiée en matière de contrôle, de redéploiement éventuel pour résoudre l'équation économique de l'entreprise? - Vous avez tout à fait raison, de mémoire le déficit est de 41,3 millions d'euros. Cette année, il a été ramené à 70 millions d'euros. C'est une année 2024 qui a été "faussée" par les revenus des Jeux olympiques. On pourrait se dire qu'en 2024, France Télévisions était déjà en déficit sans le Jeux olympiques. D'autre part, l'engagement public qui a été un peu réduit cette année, et d'autre part, ce qui est légitime dans une société, les charges, les salaires qui augmentent chaque année, je crois que ça coûte cette année 40, 45 millions d'euros. Tout cela fait que nous sommes dans un budget en déficit, totalement à flux tendu. La direction actuelle a fait trois emprunts, deux emprunts structurels, pour le développement France 3 PACA, et un emprunt de 50 millions d'euros pour soutenir la trésorerie. Je n'ai pas les tenants et aboutissants de ces emprunts, sur combien d'années ils sont amortis. Donc, face à tout ça, je ne suis pas là pour vous trouver des solutions miracles. Mais je veux repartir de zéro. Repartir de zéro, c'est ce budget de refondation que je souhaite mettre en place à la suite d'un audit, dès que j'arriverai en fonction au mois d'août, pour comprendre pôle par pôle quelles sont les dépenses, pôle par pôle, quelles économies nous allons pouvoir faire. C'est très important pour moi. Un euro d'argent du service public doit être un euro investi intelligemment, de façon lisible pour l'ensemble du public, avec les trois priorités que je vous ai données, l'accessibilité, tous les publics, tous les territoires, et j'ai rajouté la charte de l'environnement, ce qui est normal. J'ai proposé des leviers qui sont pour moi évidents aujourd'hui pour l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel. J'ai donné les chiffres de TF1, pour la publicité segmentée, ils sont considérables. Ils ont annoncé 554 millions d'euros de bénéfice en 2024, notamment grâce à une publicité exponentielle sur TF1 + et l'ensemble des plateformes. Évidemment France Télévisions a des contraintes par rapport à la publicité, notamment depuis 2009. Et sur la plateforme France.tv, nous sommes aussi contraints, nous ne pouvons plus diffuser entre 20h et 6h des programmes interdits aux moins de 16 ans. Certains programmes comme les programmes jeunesse n'ont pas droit à la publicité. J'en ai bien conscience et je ne demande pas de changer la loi, ce n'est surtout pas moi qui vais vous le demander. Néanmoins, j'ai beaucoup travaillé dessus. Comment avec ces contraintes légitimes pour un service public, je peux récupérer plus de budget extérieur? Ça passe par les programmes. Aujourd'hui, sur France.tv, vous avez une offre très intéressante, mais qui pour moi n'est pas du tout au niveau de ce que font les autres plateformes. Nous devons aller plus loin. Nous devons investir certains champs de programmes qui ne sont pas investis aujourd'hui. On doit parler à la jeunesse. On ne parle pas aujourd'hui à la jeunesse sur France Télévisions. Personne ne pourra me citer un programme qui s'adresse aux 15-25 ans. Je n'en connais pas un seul. C'est pour ça que j'ai cité France4, c'est un très bon levier pour chercher des budgets supplémentaires. La décision historique de l'Arcom, je dis historique, ce n'est pas parce que je suis devant vous, mais enfin France 4, qui était une magnifique idée au départ, d'aller voir la jeunesse, la culture, je défie quiconque dans la rue de me citer un programme de France 4. Peut-être les parents qui regardent. Mais il n'y a pas un programme qui fait France 4. Il y a énormément de programmes de qualité aujourd'hui qui font la marque France télévisions et le succès du service public, France 4 pas du tout. En créant France4play, en allant plus loin, en allant m'adresser à ces jeunes et ces générations, je souhaite que ce soit une réussite, avec des objectifs d'audience. Et derrière cela, nous pourrons profiter d'une publicité qui permettra à France4 de vivre, mais aussi à tout le groupe d'aller dans le sens des budgets à aller chercher, de chaque euro à chercher. Je finis juste, je suis désolé, j'ai été journaliste, je parle beaucoup. J'ai dirigé une société de production, et j'ai été directeur de l'antenne et de la programmation de Public Sénat. J'ai connu les deux côtés, un budget alloué à une chaîne de télévision qu'il faut respecter. Chaque euro doit être respecté en pensant au public. Mais quand j'ai été directeur général d'une société de production, on partait chaque matin de zéro. Chaque matin il fallait convaincre les diffuseurs, trouver les talents pour signer des contrats, signer des marchés. Donc j'ai connu les deux. Et donc, j'ai la noté de chaque euro. Je dis bien chaque euro, ça peut paraître presque philosophique par rapport à l'ensemble du budget de France Télévisions. Mais j'y tiens, je souhaite être clair et lisible par rapport à l'ensemble des Français à qui on doit quelque chose. C'est-à-dire la lisibilité sur chaque euro dépensé. Et je serai ce président-là. - Si je peux rebondir sur ce point, sans demander de rentrer dans le détail des économies, des efforts par rapport à un déficit actuel de 70 millions d'euros environ, et des charges qui évoluent, vu que vous parlez de France4, vous voulez réinvestir sur de nouveaux programmes comme une source de recette, mais c'est d'abord une source de dépense. Ou alors, on le fait à la place des programmes d'animation aujourd'hui sur France4. Car le public des 15-25 ans, ce n'est pas le même que celui des enfants. Donc il faut moins investir dans l'animation pour compenser? - Je comprends votre question Monsieur le Président. Déjà, je souhaite simplifier... J'ai une vision un peu panoptique de France Télévisions, c'est mon métier, je connais les marques, les déclinaisons, le grand public n'y comprend rien aujourd'hui. Culture box, France4, plus France4, anciennement France O, on ne comprend rien. C'est pour ça que j'ai écrit sur la nécessité de repenser la marque pour le public. Je souhaite allouer un budget précis à France4, un budget de 35 millions d'euros annuels. L'investissement pour l'accessibilité doit être de 100 millions d'euros sur 5 ans. Je souhaite faire des appels d'offres européens, car c'est l'obligation pour France Télévisions, afin de parler aux start-ups, à l'ensemble des acteurs qui travaillent sur l'accessibilité. Et à travers cet appel d'offres, trouver les solutions pour le plan Marshall que j'ai évoqué. Je préfère être précis sur les chiffres. Comment je vais chercher les 35 millions, les 20 millions sur l'accessibilité, d'ailleurs j'ai essayé de trouver les chiffres de l'engagement sur le handicap à France Télévisions, ils n'existent même pas. Cet argent, je vais aller le chercher après l'audit sur le budget de refondation. Aujourd'hui, je connais les grandes masses de France Télévision. Les régions par exemple, je sais que je ne toucherai pas au fait que 30% du budget région soit alloué aux outre-mer. Je considère que c'est normal par rapport à des territoires qui dans notre milieu de l'audiovisuel et des médias est souvent abandonné. Par contre, je souhaite renégocier l'ensemble des contrats liés aux grands évènements sportifs par exemple. J'ai besoin de savoir combien coûte le Tour de France et quel est le ROI, le retour sur investissement. Un euro dépensé pour le Tour de France, qu'est-ce que j'ai en échange? Évidemment des programmes. Mais derrière ça, je dois gérer un budget, donc un euro dépensé pour le Tour de France, qu'est-ce que ça me rapporte? Pour la coupe de France? Pour Roland Garros? Je souhaite que l'ensemble des budgets me soit présenté, et je demanderai des efforts à l'ensemble des équipes de France Télévisions. Et ça se fera avec eux dans un dialogue social riche, mais dans la compréhension que le service public aujourd'hui est dans une forme d'impasse. Et je le dis aussi, à mon avis, je vais être le seul candidat à le dire, je ne toucherai pas à l'accord sur le cinéma qui est de 80 millions d'euros. Le cinéma pour la France, ça va au-delà de la France, ça fait partie de notre culture, notre patrimoine, et je souhaite encourager la création indépendante, sachant qu'on garde 20% pour France Télévisions. Et je vais vous parler des 440 millions d'euros. Il y a 5 ans, j'ai entendu la présidente actuelle de France Télévisions qui a dit devant vous, devant le collège: j'avais prévu 480 millions, je vais vous donner 500 millions. J'ai été étonné. Comment on peut prévoir sur autant d'années, pérenniser un budget sur autant d'année, à un tel niveau pour des productions extérieures? 20% reste pour France Télévisions, mais plus de 400 millions d'euros vont dans d'autres sociétés de production. Évidemment il faut faire vivre ces sociétés de production, je ne vais pas dire le contraire, j'en ai dirigé une. Mais je demanderai un effort sur leurs coûts de fabrication. J'ai dirigé des documentaires, je sais combien ça peut être difficile d'aller au bout d'un documentaire avec les budgets. Mais pour les émissions de flux, les directs, je sais que... Je connais les économies des sociétés de production, et je leur demanderai un effort très important.
- Laurence Pécaut-Rivolier.
- Merci beaucoup pour vos propos, vous avez consacré une partie importante de votre présentation écrite et orale à ce plan Marshall pour l'accessibilité, qui ressort beaucoup. Deux questions à ce sujet, la première chose c'est France Télévisions est déjà bien en pointe sur l'accessibilité, notamment sur le sous-titrage. Quelles sont les priorités à mettre en œuvre pour aller plus loin dans cette accessibilité, au-delà du sous-titrage? Vous parlez d'audio description. J'aimerais que vous nous disiez quelles sont selon vous les principales failles. Et deuxièmement, au niveau de la représentation des personnes qui ont un handicap, il y a aussi un sujet, qui est mis en avant par le baromètre de la diversité de l'Arcom chaque année, qu'est-ce qui peut être fait et quelles sont vos propositions à ce sujet?
- Je vous remercie pour cette question qui va au-delà de mon propre engagement professionnel. Le plan Marshall pour l'accessibilité c'est pour moi avant tout un engagement personnel que j'ai décliné dans ma vie professionnelle depuis 28 ans. Et je considère aujourd'hui qu'un service public qui souhaite se regarder tous les matins dans les yeux avec fierté de porter le drapeau national du service public audiovisuel, n'est pas celui que je connais aujourd'hui. Nous sommes très en retard sur l'accessibilité. On peut se targuer d'avoir 100% des programmes en sous-titrage, aujourd'hui, c'est facile. Avec mon téléphone, en dix secondes, avec une application, je peux sous-titrer un documentaire de 52 minutes. Il faut aller plus loin, prendre en considération l'ensemble des handicaps. C'est essentiel, car un service public qui ne parle pas à tous les publics, c'est un service public qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Demain, par exemple, pour les handicaps moteur, certains de nos concitoyens sont dans des situations où face à un téléviseur, un écran, ils ne peuvent pas agir sur le téléviseur sans l'intervention d'une tierce personne. Avec le eye-tracking, désolé de cet anglicisme une nouvelle fois, détection par l’œil on va dire, quelqu'un qui est lourdement handicapé niveau moteur pourra, sur la plateforme intervenir avec son œil pour changer de programme par exemple. Demain, quand les plateaux de France 3, France 2, France 5, et l'ensemble des plateaux des producteurs qui souhaitent continuer à travailler avec France Télévisions ne seront pas accessibles aux personnes handicapées, nous ne travaillerons plus avec eux. C'est simple, je mets un contrat moral sur l'accessibilité. Il n'est pas normal que dans certaines régions de France, des invités handicapés moteurs ne puissent pas être invités sur le plateau, ou sur un plateau de jeu. Ce n'est pas du tout en adéquation avec l'idée que j'ai du service public. Sur la méthode, aujourd'hui, il y a cette révolution, d'ailleurs, on peut en parler, de l'intelligence artificielle, ce monstre à la fois dangereux qu'il faut contenir, et en même temps qu'il faut utiliser comme un outil formidable pour l'accessibilité sur l'ensemble du territoire. De nombreuses start-ups travaillent aujourd'hui sur l'accessibilité avec une puissance qu'elles n'avaient pas. Aujourd'hui, on peut permettre aux personnes atteinte d'un Dys, dyslexie, dyscalculie, dyspraxie, il y en a six, de comprendre les programmes. Ces personnes sont invisibilisées, et elles ne s'expriment pas, elles gardent ce handicap comme une double peine. C'est 10% des Français. Deuxième handicap, ils ont accès, mais n'ont pas la compréhension des programmes. Et pour moi, ce n'est pas possible, je ne pourrais pas être ce président, je veux parler à chacun des Français, quel que soit leur handicap. C'est essentiel pour l'avenir du service public.
- Merci, Catherine Jentile.
- Je voulais vous parler une question sur l'information, vous avez commencer en citant la phrase de la journaliste qui dit que le journaliste est le barrage contre la tyrannie. Dans un contexte avec beaucoup d'ingérence, de fake news, et sur France Info, qui est une des chaînes dont vous aurez la charge, comment y travailler?
- J'ai eu la chance de débuter comme chef opérateur de vue. J'ai accompagné des journalistes, et j'ai eu la chance aussi d'être grand reporter, ce qui m'a permis de traverser le monde, ses difficultés, et d'essayer d'y apporter un éclairage pour ceux qui sont devant leur télévision, leur écran. L'information pour moi, c'est l'un des piliers essentiels de ce que doit être le service public évidemment. C'est à la fois une charge, mais surtout une responsabilité. Et aujourd'hui, face aux fausses nouvelles, nous avons un rôle primordial à France Télévisions. D'une part, c'est d'aller vers celles et ceux qui ne différencient pas les fausses nouvelles des nouvelles qui sont réelles. Ils sont sur les réseaux sociaux, c'est pour ça que je veux envahir les réseaux sociaux avec la force de frappe de l'information de France Télévisions. Le travail formidable que font les journalistes en France, dans les territoires, et à l'étranger avec les correspondants. Je souhaite parler à tous ces gens qui ne comprennent pas les fake news. D'une part envahir les réseaux sociaux, toutes les plateformes. L'autre part, créer l'application Check concernant les programmes de France Télévisions. D'autre part, c'est aller sur le terrain. France Télé visions a abandonné le terrain, pas pour les journalistes, mais pour son rôle de service public. Le service public, ce n'est pas uniquement à travers les écrans. Nous avons un rôle d'explication de notre métier, de le rendre plus compréhensible. D'aller voir ces jeunes et moins jeunes, avec par exemple ce camion que j'ai évoqué. J'ai beaucoup suivi l'association Lumière sur l'info, qui est une association plurimédia, qui a déjà un camion qui va sur le terrain. Je souhaite les suivre avec les moyens de France Télévisions. On a des cars régies formidables, on peut aller sur le terrain expliquer notre métier, faire rêver dans un quartier, dans une ville, et apporter nos journalistes locaux pour qu'ils expliquent comment ils travaillent, pour défaire cette fausse information. Expliquer le quotidien, comment un journaliste se lève, lit la presse, prend des risques aussi. Prendre des risques, aller dans des zones de guerre, des zones de conflits, des zones interdites. Aujourd'hui il y a de très bonnes émissions sur France Télévisions, ces émissions, il faut les rendre compréhensibles sur le terrain. Un complément d'enquête qui marche très bien, c'est 2 millions de téléspectateurs. Ça veut dire qu'il y a 60 millions de Français qui n'ont pas regardé l'émission. C'est peut-être un peu présomptueux, mais je pense qu'on peut y arriver. Je pense qu'il n'y a pas de fatalité. Je considère qu'on peut réussir, et qu'on peut parler à tous les Français, et même à ceux qui ne supportent pas France Télévisions, qui ne supportent pas le service public et considèrent que ça ne sert à rien. C'est à eux que je veux parler en premier, leur montrer comment on travaille, qui nous sommes, et que le service public dans une démocratie, c'est un pilier essentiel.
- Bénédicte Lesage
- merci, j'aurais aimé revenir sur vos engagements en termes de transition écologique. Vous y faites allusion dans votre dossier, est-ce que vous pouvez donner les moyens que vous souhaitez mettre en place pour une réduction significative de l'empreinte carbone de l'entreprise, votre politique RSE, et ce que vous souhaitez mettre en place ou enrichir comme programme pour informer, sensibiliser et mobiliser les citoyens à participer à la transition écologique, dans une période qui n'est pas forcément favorable aujourd'hui sur ce sujet.
- Vous avez raison, ça n'intéresse plus les citoyens au quotidien. Il y a des citoyens totalement engagés qui en ont fait un acte politique, mais ce n'est plus la priorité des Français. D'autant plus à l'aune de deux grandes élections, les élections municipales et les présidentielles. Quand je dirigeais cette société de production, j'ai signé la charte éco production. C'est pour moi essentiel dans le cadre de nos métiers qui sont très polluants. La télévision est polluante, le cinéma est très polluant. Donc, qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça? Soit on fait un greenwashing, comme d'autres sociétés internationales, soit on considère qu'il faut prendre à la racine le mal et trouver des solutions pour les années à venir. Il y a beaucoup de solutions que je souhaite proposer. La première, c'est cette grille que je souhaite imposer, je dis bien imposer à l'ensemble de nos programmes. Cette grille elle est à la fois financière, et une mécanique de production. Les deux se rejoignent. Pour un euro dépensé pour un programme créé, derrière, une grille d'accessibilité, je veux savoir, est-ce que ce programme est totalement accessible. Une grille des territoires. Je souhaite imposer, on ne va pas dire un quota, mais que la représentation des territoires soit plus accentuées sur l'ensemble du groupe. Alors, on peut me dire France3 est la chaîne des territoires. Très bien, je souhaite que France 2, France 4, France 5 soient également les chaînes des territoires. Et d'autre part, je souhaite dans cette grille imposer cette charte pour l'environnement France Télévisions. Car nous sommes le service public, nous devons prendre les devants et être exemplaires. Dans cette charte, plusieurs éléments. Le premier, comment faire mieux sur les tournages. Ce sont des petits efforts que je demanderai aux équipes, privilégier le train à l'avion, privilégier les hôtels locaux à des grands hôtels dans les grandes villes. Ce sont des petits pas qui font avancer l'ensemble. Je vous ai parlé des plateaux. J'ai eu la chance de voir la naissance de TV Monaco. Le plateau est 100% éco responsable. Il est 100% en matière recyclée. Je souhaite que d'ici à 5 ans, l'ensemble des travaux liés aux plateaux de France Télévisions ou structures de France télévisions, par exemple le nouveau France3 PACA, vu qu'un emprunt a été fait de 25,3 millions pour le construire, il faut penser dès le départ éco production. On ne peut plus continuer à avoir des locaux sur climatisés, des imprimantes qui tournent en permanence...
- Il reste environ 4, 5 minutes.
- Tout ça, ce sont des petits pas que je souhaite imposer à l'ensemble des programmes produits par France télévisions et les partenaires extérieurs. Sur les programmes en tant que tels, aujourd'hui, sur France Télévisions, vous avez un ou deux rendez-vous sur l'environnement, mais pas totalement dédiés à l'environnement. Vous avez des documentaires formidables qui mettent en avant les grands problématiques sociétales et animalières par exemple. J'ai vu qu'un grand prime allait être lancé pour les 140 ans de la SPA la semaine prochaine. Ça va dans le bon sens. Mais j'en reviens au ruissellement, il faut que l'écologie, le développement durable soient dans l'ensemble de nos programmes, à la fois dans la compréhension du monde dans lequel nous vivons, et surtout dans les petits pas que chacun doit faire. Il ne faut surtout pas d'écologie punitive. On l'a vu, c'est repoussoir pour le public. Il faut une écologie, un développement durable qui s'adresse au citoyen pour l'emmener avec nous.
- Benoît Loutrel
- je voudrais revenir sur l'information et les réseaux sociaux. Vous dites envahir les réseaux sociaux. Vous mentionnez YouTube. On commence à y voir des formats longs, donc on peut transférer certains formats. Mais c'est plutôt l'exception. Si je prends TikTok, snapchat, discord, on est sur des formats très courts, ou en direct en permanence. Donc, faut-il développer des nouvelles incarnations, rendre le service public tangible avec des influenceurs de service public, avec la déontologie qui va avec? Il faut refaire les programmes? Développer de nouvelles écritures? Comment occuper ce terrain et l'envahir avec une offre de service public.
- Merci pour cette question. Quand j'écoute Samuel Etienne, il y a deux semaines qui raconte son sentiment formidable de liberté de ne plus être en CDI à France Télévisions, ça me peine un peu. Et je vois que son plus grand succès c'est sur Twitch. Je regrette que France Télévisions ne l'ait pas accompagné sur ce grand succès qu'il porte sur Twitch, car c'est un animateur de talent qui défend les valeurs du service public. Je souhaite poinçonner les programmes France télévisions sur ces plateformes, c'est-à-dire les marquer France Télévisions, avec la raison d'être de France télévisions. Nous avons une responsabilité, je ne souhaite pas produire n'importe quel programme. Mais je souhaite m'adresser à l'ensemble des territoires, et il y a un territoire réseaux sociaux. Je souhaite y aller avec les programmes de France Télévisions qui nativement devront être pensés pour l'ensemble des plateformes. Je ne peux pas accepter qu'un euro dépensé pour un programme n'ait pas été pensé pour l'ensemble des plateformes. Un documentaire de 52 minutes peut être une capsules de quelques secondes pour renvoyer sur ce documentaire, mais aussi pour informer. Je souhaite aller dans ce sens sur l'ensemble des plateformes, avec le sentiment de responsabilité. On ne va pas faire n'importe quoi. Sur l'incarnation...
- Nous sommes quasiment au bout du temps.
- Sur l'incarnation, aujourd'hui, il y a très peu d'incarnation de France Télévisions de la nouvelle génération. Je le regrette. Et quand on va chercher un talent, j'ai oublié son nom, et pourtant j'ai travaillé avec lui, qui est un des précurseurs sur l'information sur les réseaux sociaux, on le met dans une émissions totalement classique sur France 2. Donc, on perd l'attrait de ce qui a été son travail pendant des années. Je le sais, j'ai travaillé avec lui, on a fait une émission sur Public Sénat. Pour moi, ça va dans le sens inverse.
- Merci pour ces réponses, nous avons épuisé le temps imparti pour la partie filmée de cette audition, et nous allons passer à la partie échange à huis clos.