Décision du 21 juin 2023 relative aux procédures de sanction engagées à l’encontre de la société C8 les 9 janvier et 15 mars 2023
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 42-1 et 42-7 ;
Vu le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat, notamment son article 9 ;
Vu le décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 modifié relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en application de l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu la décision n° 2003-309 du 10 juin 2003 modifiée et prorogée autorisant la société Bolloré Media, devenue Direct 8 puis C8, à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique et la décision n° 2019-214 du 29 mai 2019 portant reconduction de cette autorisation ;
Vu la décision n° 2022-57 du 16 février 2022 mettant en demeure la société C8 ;
Vu les courriers des 9 janvier et 15 mars 2023 du rapporteur mentionné à l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 notifiant à la société C8 les décisions d’engager à son encontre deux procédures de sanction et l’invitant à présenter, pour chacune d’elle, ses observations dans un délai d’un mois ;
Vu les courriels des 23 janvier et 21 mars 2023 par lesquels la société C8 a sollicité la communication des pièces dans le cadre des procédures de sanction engagées à son encontre, lesquelles lui ont été adressées par courriers du directeur général de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique des 26 janvier et 22 mars 2023 ;
Vu le courriel du 13 février 2023 par lequel la société C8 a sollicité un délai supplémentaire d’une semaine pour adresser ses observations dans le cadre de la procédure de sanction engagée à son encontre le 9 janvier 2023 et le courriel du même jour par lequel le rapporteur mentionné à l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 a accepté cette demande ;
Vu les observations en défense datées des 23 février et 19 avril 2023 produites par la société C8 ;
Vu les rapports établis par le rapporteur mentionné à l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, communiqués à la société C8 ainsi qu’au président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique par courriers des 28 mars et 12 mai 2023 ;
Vu les décisions du 24 mai 2023 par lesquelles l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a décidé de ne pas faire usage de la faculté qu’elle tient du 6° de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 ;
Vu le courriel du 25 mai 2023 par lequel la société C8 a décliné la possibilité de rendre publiques les auditions du 7 juin 2023 devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, en réponse aux courriers de cette dernière en date des 12 et 16 mai 2023 ;
Vu les comptes rendus de visionnage relatifs aux émissions « Le 6 à 7 » des 4, 9 et 17 novembre 2022 et des 24 et 25 janvier 2023 et « Touche pas à mon poste » des 17 novembre 2022, 24 et 30 janvier 2023 ;
Lors de la séance du 7 juin 2023, l’Autorité a entendu le rapporteur et son adjointe ainsi que M. Gérald Brice Viret, Directeur général de Canal + France en charge des antennes et des programmes, Mme Laeticia Ménasé, Secrétaire générale, M. Christophe Roy, Directeur des affaires réglementaires et concurrence, M. Vincent Pujol, Directeur des programmes de C8, Me Emmanuel Glaser, avocat.
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. D’une part, en vertu des articles 42-1 et 42-4 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, si la personne faisant l'objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes : la suspension, pour un mois au plus, de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services, d'une catégorie de programme, d'une partie du programme ou d'une ou plusieurs séquences publicitaires ; la réduction de la durée de l'autorisation ou de la convention dans la limite d'une année ; une sanction pécuniaire assortie éventuellement d’une suspension de l’édition ou de la distribution du ou des services ou d’une partie du programme ; le retrait de l'autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention ; l’insertion dans les programmes d’un communiqué. L’article 42-2 de la même loi dispose que : « Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ».
2. D’autre part, aux termes de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 susvisé : « La publicité clandestine est interdite. / Pour l’application du présent décret, constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire ».
3. Enfin, par une décision du 16 février 2022 susvisée, la société C8 a été mise en demeure de se conformer, à l’avenir, aux dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 susvisé en ne diffusant plus de publicité clandestine.
Sur les émissions « Le 6 à 7 » des 4, 9 et 17 novembre 2022 et « Touche pas à mon poste » du 17 novembre 2022 :
4. Il ressort du compte rendu de visionnage de l’émission « Le 6 à 7 » diffusée le 4 novembre 2022 sur l’antenne de C8 qu’entre 18h41 et 19h16 environ, l’animateur de l’émission portait une veste dont le logo de la marque, présent sur la manche, était visible et identifiable à chacune de ses prises de parole. Un autre logo caractéristique de la marque figurant au dos de la veste a par ailleurs été visualisé à trente reprises à l’écran.
5. Il ressort du compte rendu de visionnage de l’émission « Le 6 à 7 » diffusée le 9 novembre 2022 par le service de télévision C8 que l’animateur portait, de 18h41 à 19h15 environ, des baskets issues d’une collaboration entre deux marques dont les logos respectifs ont été, pour le premier, identifiable près de soixante fois et, s’agissant du second, visible au cours d’un cadrage en gros plan d’une durée de trois secondes.
6. L’animateur et l’un des chroniqueurs ont par ailleurs échangé les propos suivants au sujet de ces chaussures : le chroniqueur : « Elles sont fortes, très fortes. Il n’y en a pas beaucoup de celles-là » ; l’animateur : « Je vous dis la vérité, ils m’ont appelé, ils m’ont appelé pour me dire « Est-ce que tu les voudrais ? » (…) Tu les connais toi ? Tu aimes bien ? Tu aurais aimé ? » ; le chroniqueur : « Bien sûr, j’adore, mais ils ne m’ont pas appelé moi » ; l’animateur : « Ils ne t’ont pas appelé ? Alors, les (…) c’est en deuxième rideau, tous les pigeons c’est en deuxième rideau. Ils vont t’appeler, t’inquiètes pas que tu vas les payer beaucoup plus chères ! Ne t’inquiète pas, ton tour va arriver ! » ; le chroniqueur : « Moi ils ne m’ont jamais respecté, ils me font faire la queue ».
7. Il ressort du compte rendu de visionnage des émissions « Le 6 à 7 » et « Touche pas à mon poste » diffusées par le service de télévision C8 le 17 novembre 2022 que l’animateur portait un sweat-shirt dont deux des logos de la marque, présents sur les manches et la poitrine du vêtement, ont été visibles de 18h40 à 19h15 environ. Si, au cours de la seconde émission, le logo figurant sur la poitrine de l’animateur était masqué par un scotch, le logo très emblématique présent sur les manches demeurait visible, rendant la marque identifiable de 19h20 à 21h15 environ.
8. L’exposition particulièrement significative et non fortuite dont ont bénéficié les marques mentionnées aux points 4 à 7 de la présente décision, promues par leur association à l’image d’une personnalité bénéficiant d’une notoriété importante, est constitutive de manquements aux dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 susvisé que l’éditeur avait été mis en demeure de respecter. Compte tenu de leur gravité et de leur répétition, ces faits justifient de prononcer à l’encontre de l’éditeur une sanction pécuniaire d’un montant de 120 000 euros.
Sur les émissions « Le 6 à 7 » des 24 et 25 janvier 2023 et « Touche pas à mon poste » des 24 et 30 janvier 2023 :
9. Il ressort du compte rendu de visionnage de l’émission « Le 6 à 7 » diffusée par le service de télévision C8 le 25 janvier 2023 qu’à la demande de l’animateur, le coiffeur de l’émission s’est présenté à deux reprises sur le plateau pour des durées respectives d’environ 3 puis 22 minutes, vêtu d’un tee-shirt d’une marque identifiable. Au cours de la seconde séquence, pendant laquelle le coiffeur a coupé les cheveux d’un chroniqueur, l’un des logos de la marque du vêtement a été masqué, tout en demeurant reconnaissable, et est principalement apparu en arrière-plan.
10. Eu égard à leur caractère impromptu notamment, ces faits ne sont pas susceptibles de révéler un acte de promotion intentionnel. Ils ne traduisent donc aucune méconnaissance de l’interdiction de la publicité clandestine.
11. Il ressort du compte rendu de visionnage des émissions « Le 6 à 7 » et « Touche pas à mon poste » diffusées sur l’antenne de C8 le 24 janvier 2023 que l’une des chroniqueuses portait une broche comportant les initiales très reconnaissables de la marque de ce bijou. Objet d’une centaine de visualisations y compris dans le cadre de nombreux gros plans, cet accessoire a également bénéficié de l’attention du public lorsque la tenue de la chroniqueuse a donné lieu, de la part de l’animateur de l’émission, aux propos laudatifs suivants : « C’est très sérieux, c’est très chic, c’est de très bon goût ».
12. Au cours de la seconde partie de l’émission « Le 6 à 7 » et dans l’émission « Touche pas à mon poste » du même jour, l’un des chroniqueurs portait un vêtement dont la marque a bénéficié d’une exposition significative à travers 140 visualisations environ d’un logo emblématique.
13. Il ressort du compte rendu de visionnage de l’émission « Touche pas à mon poste » diffusée par C8 le 30 janvier 2023 que l’un des invités portait un sweat-shirt dont le logo et la marque, masqués pendant la première partie de la séquence, ont été découverts au cours des six dernières minutes de l’intervention et bénéficié d’une dizaine de visualisations à l’écran.
14. Constitutifs de manquements répétés et non fortuits à l’interdiction de la publicité clandestine, les faits mentionnés aux points 11 à 13 de la présente décision traduisent une méconnaissance par la société C8 des dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 susvisé, auxquelles l’éditeur avait été mis en demeure de se conformer. Eu égard à leur gravité, ces faits justifient de prononcer à l’encontre de la société C8 une sanction pécuniaire d’un montant de 80 000 euros.
15. Concernant les faits mentionnés aux points 4 à 8 et 11 à 14, il y a également lieu dans les circonstances de l’espèce de procéder à la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l’Autorité.
Après en avoir délibéré,
Décide :
Art. 1er. – Pour les faits mentionnés aux points 4 à 7 de la présente décision, une sanction pécuniaire d’un montant de 120 000 euros est prononcée à l’encontre de la société C8. Cette somme sera affectée au Centre national du cinéma et de l’image animée en application de l’article L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée.
Art. 2. – Pour les faits mentionnés aux points 11 à 13 de la présente décision, une sanction pécuniaire d’un montant de 80 000 euros est prononcée à l’encontre de la société C8. Cette somme sera affectée au Centre national du cinéma et de l’image animée en application de l’article L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée.
Art. 3. – La présente décision sera notifiée à la société C8 et publiée au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l’Autorité.
Délibéré le 21 juin 2023 par M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Hervé Godechot, M. Benoit Loutrel, Mme Juliette Théry, Mme Anne Grand d’Esnon, M. Denis Rapone, Mme Laurence Pécaut-Rivolier, Mme Bénédicte Lesage et M. Antoine Boilley, membres.
Fait à Paris,
le 21 juin 2023.
Pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique
Le président
R.-O. MAISTRE
Décision du 21 juin 2023 relative aux procédures de sanction engagées à l’encontre de la société C8 les 9 janvier et 15 mars 2023
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