Présentation du rapport d’activité 2023 à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat
Seul le prononcé fait foi,
Monsieur le président [Laurent Lafon],
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs,
Ce n’est pas sans une pointe d’émotion que je me présente devant vous ce soir pour la sixième et dernière fois. Il reviendra en effet à mon successeur de vous présenter le prochain rapport annuel de l’Autorité, moment privilégié d’échange avec votre Commission et la représentation nationale. Je profite de cet instant pour vous présenter le nouveau directeur général de l’Arcom, Alban de Nervaux, Conseiller d’Etat, qui a rejoint notre institution le 1er juillet dernier.
Permettez-moi d’emblée, monsieur le président, de vous remercier chaleureusement pour tout le travail accompli sur les sujets audiovisuels depuis ma nomination à la tête de l’Arcom, sous votre présidence comme sous celle de Catherine Morin-Desailly dont je salue également l’action. Vous avez été particulièrement moteurs, avec de nombreuses propositions de loi, comme récemment celle qui porte votre nom, monsieur le président, ou celles portées par la sénatrice Robert.
- Je voudrais donc commencer ce propos, avant de répondre à vos questions par un message de reconnaissance et de remerciement
Au cours des 6 années écoulées, grâce à l’appui et au soutien constants du Parlement, Assemblée nationale et Sénat réunis, notre Autorité de régulation a opéré une profonde mutation. Je crois que l’on peut dire, sans risque de se tromper, que grâce à votre appui décisif et à l’action conduite par le régulateur, l’Arcom d’aujourd’hui n’est plus le CSA d’hier.
Sous l’effet de 6 directives et règlements européens et d’une douzaine de lois nationales, l’Autorité a opéré une véritable métamorphose.
- Elle a d’abord conforté et affirmé son indépendance. Composé désormais de 9 membres, désignés par 5 autorités différentes, le collège de l’Arcom, solide et uni, a pu porter et mener à bien l’ensemble des missions que lui a confiées le législateur.
- Elle a ensuite élargi et renforcé son périmètre d’intervention. Alors que les usages, les acteurs et les modes de diffusion connaissent des transformations profondes, il était plus que temps que le régulateur puisse embrasser le monde et le temps tels qu’ils sont pour faire sienne la sphère numérique. Avec la création de l’Arcom au 1er janvier 2022, c’est chose faite.
- Elle a enfin adapté et transformé son organisation. Tirant tout le parti de la fusion opérée entre le CSA et l’Hadopi, l’Arcom a pu déployer un nouvel organigramme, lui permettant d’optimiser ses ressources au service de ses nouvelles et nombreuses missions.
- Mon deuxième message aura trait à l’intensité de l’activité de l’Autorité tout au long de l’année 2023 et du premier semestre 2024.
Notre rapport annuel en témoigne et je tiens à rendre hommage devant vous à l’engagement et à la compétence des membres du collège et des équipes de l’Arcom. Ils n’ont ménagé ni leur temps ni leur peine pour que l’Autorité exerce ses multiples compétences. Je n’en donnerai ici que quelques illustrations.
- D’abord, la mission toujours sensible du respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion, fil rouge de la régulation, qui aura plus que jamais été au cœur de nos travaux, qu’il s’agisse des élections européennes, des élections législatives, ou de la mise en œuvre de l’importante décision du Conseil d’Etat du 13 février dernier.
- Ensuite, l’organisation de notre paysage audiovisuel, avec des dossiers aussi lourds que l’appel inédit aux candidatures pour 15 fréquences en TNT nationale, la poursuite du déploiement de la radio numérique, le DAB+, le lancement de l’Ultra Haute Définition à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, ou encore nos délibérations relatives à la mise en œuvre du régime des services dits d’intérêt général, véritable enjeu de souveraineté, pour offrir une visibilité appropriée à nos éditeurs nationaux sur les nouveaux environnements numériques. En lien avec ce sujet, la protection de la création et des droits sur internet nous a également beaucoup mobilisés en 2023 et 2024 : la proposition de loi « cinéma » prévoyait de fluidifier la procédure de lutte contre le piratage des œuvres culturelles et nous formons le vœu que ces dispositions puissent être adoptées prochainement.
- De même, l’Arcom a été mobilisée sur tous les enjeux sociétaux de la régulation. Nous pouvons nous réjouir que cet été exceptionnel ait été l’occasion d’une couverture unique du sport féminin et du parasport à l’antenne, sujets que promeut le régulateur depuis des années. Il en va de même de nos avancées en matière de protection de l’environnement, aux côtés de l’Arcep et de l’ADEME, avec la publication en mai de notre référentiel sur l’écoconception des services numériques et, hier, de notre étude sur l’impact environnemental des usages audiovisuels. Ces documents de référence constituent des bases de travail étayées et robustes à destination des pouvoirs publics, des fournisseurs et des utilisateurs de ces services.
- Enfin, dans la sphère numérique, les échéances n’ont pas manqué non plus pour le régulateur. La loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique a officiellement désigné l’Arcom comme autorité nationale de coordination pour la mise en œuvre du règlement européen sur les services numériques, en lien avec la CNIL et la DGCCRF avec lesquels nous avons signé des conventions. La coopération européenne pour la mise en œuvre de ce nouveau cadre de régulation commence déjà à porter ses fruits, avec par exemple l’action menée avec succès par la Commission européenne, avec notre contribution, à l’encontre de TikTok Lite. A l’occasion du récent Sommet de la Francophonie, l’Autorité, qui préside le réseau des régulateurs francophones, a également contribué à l’élaboration et à l’adoption de l’Appel de Villers-Cotterêts pour un Internet plus sûr.
Sur le sujet de la protection des mineurs en ligne, sujet qui – je le sais – préoccupe beaucoup et de façon légitime le Sénat, avec un travail pionnier de la délégation aux droits des femmes, l’Arcom n’a jamais relâché sa vigilance depuis l’adoption de la loi du 23 juillet 2020.
L’adoption de la loi SREN a marqué une nouvelle étape et l’Autorité vient de rendre public son référentiel technique sur la vérification de l’âge pour la protection des mineurs contre la pornographie en ligne, après l’avis de la CNIL. Nous espérons que les sites concernés, qui se sont démarqués par leur incapacité à se mettre en conformité avec le droit pénal, seront désormais davantage enclins à protéger nos enfants. Je rappelle que d’après une étude que nous avons menée en 2023, plus de 2,3 millions de mineurs, dont certains très jeunes, fréquentent ces sites chaque mois en France.
- Je terminerai ce propos par un message de confiance et d’espérance, pour que la dynamique engagée se prolonge à l’avenir
Je voudrais en particulier partager avec vous trois réflexions prospectives.
- La première concerne l’avenir de l’audiovisuel public, un sujet qui vous est cher, je le sais. Il joue un rôle crucial pour l’équilibre de notre panorama audiovisuel, qu’il s’agisse de l’information, du soutien à la création ou de sa contribution à la cohésion nationale. Alors que l’heure est au « média global » et que la concurrence s’internationalise, il importe de dessiner un nouvel horizon pour ces entreprises. Celui-ci passera nécessairement par une stratégie d’ensemble. Offre de proximité, offre d’information, offre numérique, offre culturelle, reconquête du jeune public : le service public doit rassembler ses forces, non pas pour se diluer mais pour se fédérer. Et si ce choix n’appartient qu’à l’Etat actionnaire et au Parlement, ma conviction est que seule une présidence commune permettra de porter cette ambition stratégique renouvelée. Le corollaire doit être de garantir au service public la ressource affectée et pérenne seule à même d’assurer son indépendance et de lui permettre de porter dans la durée un projet d’avenir.
Je forme le vœu que les débats parlementaires de l’automne, à la faveur de votre proposition de loi, soient l’occasion d’ouvrir cette nouvelle perspective à nos entreprises de l’audiovisuel public et aux 15 000 collaborateurs qui portent ses belles missions auprès de nos compatriotes.
- La seconde réflexion a trait à la place de la radio dans notre paysage médiatique. Vous le savez, nous avons publié en juin dernier un Livre blanc consacré à ce média préféré des Français, celui auquel ils font le plus confiance. Nous avions annoncé ce projet à l’occasion d’une table-ronde organisée au Sénat par votre commission sur le DAB+ : il est désormais achevé et doit être concrétisé. La diffusion numérique terrestre, qui couvre déjà plus de 60% du territoire métropolitain, offre à ce média de nouvelles perspectives. Notre Livre blanc propose une feuille de route pour préparer l’avenir de ce média et sa bascule progressive vers le numérique. Il nous paraît désormais essentiel que les pouvoirs publics se saisissent de ce dossier pour accompagner tous les acteurs dans ce mouvement de transformation et de modernisation. Mesures législatives, réglementaires ou accompagnement financier : la représentation nationale et les pouvoirs publics dans leur ensemble ont un rôle essentiel à jouer pour assurer avec succès la mutation de ce média.
- La troisième et dernière réflexion que j’aimerais partager avec vous concerne la dynamique impulsée par les Etats généraux de l’information. Cette dynamique est en pleine résonance avec le récent règlement européen sur la liberté des médias. L’Arcom a contribué de près aux travaux des EGI, par le biais de ses auditions mais aussi avec la publication de deux études : l’une sur la ressource publicitaire des médias à l’horizon 2030 et l’autre sur les sources d’information des Français. Ces publications abordent des sujets prioritaires : le modèle économique de nos médias, qu’il faut conforter pour assurer le pluralisme externe, et la confiance que nos concitoyens placent dans leurs médias d’information. Produire une information de qualité coûte cher, mais les fausses informations nous coûtent plus cher encore.
A cet égard, le temps de l’action est devant nous pour assurer un meilleur équilibre du financement entre médias de contenus et acteurs numériques, alors que ceux-ci capteront deux tiers des recettes publicitaires à horizon 2030. L’Arcom appelle aussi de ses vœux l’indispensable refonte d’un dispositif anti-concentration devenu en partie obsolète, afin de conforter le pluralisme des médias.
Vous l’aurez compris, monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs : le régulateur, devenu numérique, s’est profondément transformé au cours des six années écoulées pour répondre aux évolutions du paysage, aux attentes des publics et aux besoins des éditeurs.
Il aura changé de nom, de dimension, de gouvernance, et même d’ici la fin de l’année d’implantation géographique.
Début 2025, une nouvelle page s’ouvrira pour l’Arcom, avec le renouvellement du tiers de son collège. Alors que bien des défis sont encore devant nous, je souhaite à mon ou ma successeur d’avoir la chance comme moi de bénéficier de la confiance et de l’appui d’un Parlement engagé sur nos sujets, à l’écoute des défis du secteur et volontaire sur les solutions à y apporter. Confiance et appui pour défendre et soutenir une Autorité reconnue et respectée en Europe, pleinement engagée au service de tous les Français et garante d’une liberté publique fondamentale : la liberté de communication.
Je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.