Décision du 15 avril 2022 mettant en demeure la Société Lagardère Active Broadcast

Publié le 15 avril 2022

  • Mise en demeure

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,

Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 16 et 42 ;

Vu la recommandation n° 2021-03 du 6 octobre 2021 du Conseil supérieur de l’audiovisuel aux services de communication audiovisuelle en vue de l’élection du Président de la République ;

Vu l’ensemble des autorisations délivrées à la société Lagardère Active Broadcast pour la diffusion d’un service de radio de catégorie E dénommé « Europe 1 » ;

Vu la convention conclue le 15 juillet 2020 entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société Lagardère Active Broadcast, notamment ses articles 2-3 et 4-2-1 ;

Vu les courriers des 14 mars et 5 avril 2022 adressés par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique à la société Lagardère Active Broadcast ;

Vu le relevé des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens diffusés par le service de radio « Europe 1 » du 28 mars au 8 avril 2022 dans le cadre de la couverture de l’actualité liée à la campagne en vue du premier tour de l’élection du Président de la République ;

Après en avoir délibéré,

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. En premier lieu, aux termes des dispositions de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 : « Les éditeurs (…) de services de communication audiovisuelle (…) peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ». L’article 4-2-1 de la convention du 15 juillet 2020 prévoit que l’éditeur peut être mis en demeure d’en respecter les stipulations.

2. En deuxième lieu, aux termes du 3° du 1.4 de la recommandation du 6 octobre 2021 : « Durant la campagne électorale, les éditeurs veillent, conformément au I bis de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée, à ce que les temps de parole et les temps d’antenne accordés aux candidats et à leurs soutiens soient égaux dans des conditions de programmation comparables. En vue du second tour du scrutin, le principe d'égalité doit être respecté à compter du lundi suivant le premier tour jusqu'au vendredi inclus précédent le second tour ». Le 4° du même 1.4 prévoit qu’on « entend par conditions de programmation comparables la présentation et l’accès à l’antenne des candidats et de leurs soutiens (…) au sein de chacun des créneaux horaires détaillés ci-après : – tranche du matin : 6 heures - 9 heures ; – tranche de la journée : 9 heures - 18 heures ; – tranche de la soirée : 18 heures - 24 heures ; – tranche de la nuit : 0 heure - 6 heures ».

3. En troisième lieu, le 1er alinéa de l’article 2.3 de la convention du 15 juillet 2020 prévoit que : « Le titulaire assure le pluralisme des courants de pensée et d’opinion, notamment dans le cadre des recommandations formulées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (…) ».

Sur le contexte :

4. Par un courrier du 14 mars 2022, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a mis l’éditeur en garde contre le renouvellement des manquements qu’elle avait constatés dans le cadre de l’examen des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens au cours de la première période mentionnée dans la recommandation du 6 octobre 2021, allant du 1er janvier au 7 mars 2022. Par un courrier du 5 avril 2022, l’éditeur s’est vu notifier une mise en garde ferme relative aux manquements observés dans la répartition des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens diffusés sur son antenne au cours de la seconde période mentionnée dans la recommandation, allant du 8 mars 2022 jusqu’à la veille de l’ouverture de la campagne électorale.

Sur les faits de l’espèce :

5. Il ressort de l’examen des temps de parole et de temps d’antenne relevés sur l’antenne du service « Europe 1 » du 28 mars au 8 avril 2022 dans le cadre de la couverture de l’actualité liée à la campagne en vue du premier tour de l’élection du Président de la République, que les candidats et leurs soutiens ont bénéficié de temps de parole et de temps d’antenne inégaux sur chacune des tranches considérées. Ainsi, sur la tranche du matin, les volumes de temps de parole les plus faibles étaient de 5 minutes et 5 secondes pour Philippe Poutou, 22 minutes et 2 secondes pour Anne Hidalgo et 26 minutes et 58 secondes pour Jean Lassalle et les plus importants s’élevaient à 35 minutes et 31 secondes pour Marine Le Pen, 36 minutes et 20 secondes pour Eric Zemmour et 37 minutes et 27 secondes pour Nathalie Arthaud. La même tranche horaire présentait des variations de temps d’antenne également très significatives, avec des durées allant de 6 minutes et 45 secondes pour Philippe Poutou et 22 minutes et 34 secondes pour Anne Hidalgo à 41 minutes et 31 secondes pour Eric Zemmour et 54 minutes et 46 secondes pour Emmanuel Macron. La tranche de la journée était quant à elle caractérisée par une absence d’accès à l’antenne de Philippe Poutou, des volumes de temps de parole variant de 15 minutes et 39 secondes pour Jean Lassalle à 27 minutes et 54 secondes pour Marine Le Pen et des volumes de temps d’antenne compris entre 15 minutes et 39 secondes pour Jean Lassalle et 27 minutes et 57 secondes pour Emmanuel Macron. En ce qui concerne la tranche de la soirée, les temps de parole les moins significatifs étaient de 1 minute et 34 secondes pour Philippe Poutou et 5 minutes et 36 secondes pour Nicolas Dupont Aignan et les plus élevés de 7 minutes et 52 secondes pour Yannick Jadot et 8 minutes et 10 secondes pour Emmanuel Macron. Les temps d’antenne relevés sur la même tranche variaient quant à eux de 1 minute et 34 secondes pour Philippe Poutou et 5 minutes et 36 secondes pour Nicolas Dupont Aignan à 10 minutes et 35 secondes pour Marine Le Pen et 15 minutes et 30 secondes pour Emmanuel Macron. S’agissant de la tranche de la nuit, les temps d’antenne ont présenté une amplitude supérieure à 6 minutes et 30 secondes entre la durée la plus faible et la durée la plus élevée.

6. Si l’éditeur a indiqué que le candidat Philippe Poutou avait refusé d’intervenir sur son antenne au cours de cette période, il n’en demeure pas moins que l’accès à l’antenne des autres candidats et de leurs soutiens a été marqué par des disparités significatives sur l’ensemble des tranches horaires, caractérisant de nombreux manquements à l’obligation d’égalité dans des conditions de programmation comparables prévue par la recommandation du 6 octobre 2021, ainsi que la méconnaissance des stipulations de l’article 2-3 de la convention du 15 juillet 2020.

7. L’ensemble des faits mentionnés aux points 5 et 6 de la présente décision justifient de mettre l’éditeur en demeure, d’une part, de se conformer aux dispositions de la recommandation du 6 octobre 2021 en respectant le principe de l’égalité des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens dans des conditions de programmation comparables au cours de la période de campagne en vue du second tour de l’élection du Président de la République et, d’autre part, de respecter à l’avenir les stipulations de l’article 2-3 de la convention du 15 juillet 2020.

Décide :

Art. 1er . – La Société Lagardère Active Broadcast est mise en demeure, d’une part, de se conformer aux dispositions de la recommandation du 6 octobre 2021 en respectant le principe de l’égalité des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens dans des conditions programmation comparables au cours de la période de campagne en vue du second tour de l’élection du Président de la République et, d’autre part, de respecter à l’avenir les stipulations de l’article 2-3 de la convention du 15 juillet 2020.

Art. 2. – La présente décision sera notifiée à la Société Lagardère Active Broadcast et publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris,

le 15 avril 2022.

Pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :

Le président,

R.-O MAISTRE

 

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